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Billet de blog 19 décembre 2016

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Exalter l’émotion, une nouvelle façon de faire de la politique?

Depuis quelque temps, j’entends ou je lis le mot « post-vérité »*. Je me suis demandé ce qu’il voulait vraiment dire : une vérité après une vérité ? Ce n’était pas clair, j’ai donc cherché.

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Selon la définition du dictionnaire : « "Post-vérité" est un adjectif qui fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d'influence pour modeler l'opinion publique que les appels à l'émotion et aux opinions personnelles ».

Un nouveau mot certes, mais une pratique devenue régulière de personnages politiques qui utilisent l’émotion et son amplification dans les réseaux sociaux, une tactique politicienne.  

On lance une phrase maladroite, une idée-choc, exagérée, peu éthique, raciste… l’émotion s’empare de l’opinion qui se déverse et s’amplifie par les réseaux sociaux. Ensuite, on rétrograde – un peu, ça suffit – et le tour est joué, ce qui se dira dans un second temps passera facilement, sans éclats, sans bruit.

C’est aussi une façon d’être présent pendant un certain temps dans les médias, d’être interviewé, d’être invité dans des émissions… pas négligeable en temps de campagne électorale !

À l’inverse, les faits avérés, comme les chiffres du chômage, les fermetures d’entreprises, le coût de la vie, les salaires des dirigeants d’entreprise, les indemnités des élus, les inégalités scolaires, etc. ne déclenchent guère l’émotion de l’opinion. Les articles et les émissions politiques bien étayés et argumentés sur ces sujets n’attirent plus qu’un nombre réduit de lecteurs, d’auditeurs ou téléspectateurs.

Ces faits objectifs interviendraient beaucoup moins dans les choix électoraux que ce qui déclenche ou a déclenché l’émotion et fait pleurer les réseaux sociaux.  

François Fillon en déclarant qu’il fallait réserver la Sécurité sociale aux affections de longue durée et de laisser « le petit risque » et les « consultations courantes » aux mains de l'assurance privée, a joué sur l’émotion. Il savait que ses mots déchaîneraient des remous républicains sur lesquels il pourrait rebondir et ainsi montrer qu’il entendait les craintes de ses « amis » politiques.

De même, quand Marine Le Pen a annoncé qu’elle ne souhaitait plus scolariser les enfants de sans-papier, elle savait qu’elle déclencherait de l’indignation et en rectifiant légèrement son propos, elle a donné l’impression d’être à l’écoute du peuple.

Tous les deux, ils ont su s'installer positivement dans la mémoire de l'opinion publique.

Quant à Manuel Valls, il sait que même gagnant de la primaire socialiste, il ne sera pas au second tour des élections présidentielles. Alors, pour prendre un peu de la place médiatique qu’a Emmanuel Macron, il joue avec le passif du gouvernement, comme le 49.3, tant pis s’il disqualifie un peu plus la gauche.

La politique spectacle, n’est pas nouvelle. Mais ce qui se passe est inquiétant, les programmes des prétendants aux élections n’intéressent pas s’ils ne contiennent pas quelques éléments pouvant exalter l’opinion. On l’a vu pour l’éducation, ce qui a touché, c’est le retour de l’uniforme, des bonnes vieilles méthodes… mais tout le reste n’a guère remué.

Une certitude pour 2017, ceux qui auront su exalter l’opinion publique seront au second tour.  

Tout le monde s’est indigné des propos de Trump et quand il a été élu, ce fut la sidération générale. Pourtant, il a juste su utiliser l’exaltation de l’opinion publique, ses effrois, ses jubilations… pour arriver au pouvoir. Et il continue d’utiliser les réseaux sociaux et ce n’est pas réservé à l’Amérique !

Tout ce qui fait l’élite politique – qu’elle soit de droite ou de gauche – est rejeté. Et comme réponse, elle qualifie de « populistes » ceux qui ne veulent plus d’elle au lieu de réfléchir au pourquoi elle en est là.

Le salut est certainement dans une autre conception de la politique, de la gouvernance et de sa représentation. Certains prônent une sixième république… et c’est urgent !

* Reconnu mot de l'année selon l'Oxford Dictionary.

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