En lisant la fin du discours de Jean Jaurès sur le droit de vote des femmes (ci-dessous), j’ai pensé au vote des étrangers en France et Jean Jaurès aurait sans aucun doute porté ce projet avec vigueur !
En 2014, les étrangers communautaires ont le droit de vote (directive européenne de 1994), en France, ils ont voté pour la première fois en 2001.
En 2014, les étrangers non européens ne votent toujours pas, bien qu’ils participent à la vie économique, culturelle et paient des impôts. C’est aussi ignorer la longue relation qu’ils ont avec la France où ils vivent depuis vingt ou quarante ans,
En 2014, en France les habitants étrangers d’une même commune n’ont pas les mêmes droits.
Le droit de vote de tous les étrangers est donc une question d’égalité et de justice.
Où en est-on ?
La promesse de François Hollande lors de sa campagne présidentielle en 2012 court toujours.
En mai 2014, il annonce sur BFM le dépôt d’un projet de révision constitutionnelle et explique qu’on lui aurait reproché s’il l’avait fait avant les municipales. Le prochain scrutin dans six ans devrait en bénéficier.
Le 14 juillet, il annonce une possible initiative dans le cadre de réformes institutionnelles à venir lors de la dernière année du quinquennat, en 2016
Quant au ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, il pense que puisqu’il n’y aura pas la majorité pour cette réforme, il faut mieux se concentrer sur « l’essentiel » (croissance, déficit…) : « [...] ce n’est pas la peine de poser des questions dont on sait qu’on n’a pas les moyens de les résoudre » (AFP, 28 mai 2014)
Avec de tels raisonnements, il faut proposer seulement les réformes qui obtiendront la majorité ! Quelle vision de la politique !
Quant à l’essentiel : est-ce que la « réforme territoriale » qui a captivé les médias et nombre de séances parlementaires faisait-elle partie de l’essentiel ?
Alors en 2016 ? ou en ... ?
On peut rêver en lisant la constitution du 24 juin 1793, qui n'a jamais été appliquée :
« Tout homme né et domicilié en France, âgé de vingt et un ans accomplis, tout étranger de vingt et un ans, qui, domicilié en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse une Française, ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout étranger enfin qui sera jugé par le Corps législatif avoir bien mérité de l'Humanité est admis à l'exercice des Droits de citoyen français. »
On peut rêver en reprenant la fin du discours de Jean Jaurès, en l’adaptant un peu… :
« Le projet de loi que le groupe socialiste au Parlement va déposer pour instituer le droit de suffrage des [étrangers] ou plutôt pour étendre aux [étrangers] tous les droits politiques et sociaux ne sera pas accueilli par [la peur et le nationalisme]. C’est un moment important de l’évolution sociale. »
Discours prononcé en 1906 par Jean Jaurès pour le vote des femmes
« Il ne faut pas se dissimuler qu’aucune solution profonde et définitive des questions religieuses, politiques, sociales, ne sera possible tant que les femmes n’auront pas donné leur adhésion.
Ceux qui redoutent qu’elles exercent une influence réactionnaire se méprennent doublement.
D’abord, ils oublient que ce n’est pas détruire une résistance que de la dissimuler. Si vraiment les femmes répugnaient invinciblement dans le fond de leur conscience à un régime de liberté qui en assurant le respect de toutes les croyances séparera l’Église de l’État ou à un ordre social nouveau, cet ordre nouveau porterait sur une base croulante.
Et puis, l’œuvre d’éducation déjà accomplie, les leçons de l’école et de la vie ont préparé les femmes, non pas certes à un sectarisme de libre pensée, ou à une intégrale acceptation du socialisme, mais à des façons de juger plus indépendantes et plus larges qu’il y a un demi-siècle.
Surtout, les ouvrières ou les femmes d’ouvriers, sont mêlées, directement ou par les maris et les fils, à la vie économique, à toutes les vicissitudes des luttes sociales. Elles sont associées, et au premier rang, aux souffrances, aux espérances, aux exaltations des grèves. Elles pâtissent des misères sociales dans leur chair et dans la chair de leur chair, dans le cœur de leur cœur.
C’est le droit des femmes de donner une expression politique aux sentiments et aux pensées que la vie sociale fait naître en elles. Le projet de loi que le groupe socialiste au Parlement va déposer pour instituer le droit de suffrage des femmes ou plutôt pour étendre aux femmes tous les droits politiques et sociaux ne sera pas accueilli par l’indifférence et la raillerie. C’est un moment important de l’évolution sociale. »