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Billet de blog 31 août 2008

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L’école « nouvelle génération » de Xavier Darcos, ce n’est pas l’école de Jules Ferry

Si la querelle scolaire « républicains/pédagogistes » semble tourner à l’avantage des traditionalistes, ceux-ci risquent bien vite de déchanter. Instrumentalisé, ce retour à l’âge d’or mythique n’est qu’un levier de destruction de l’école publique.

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Si la querelle scolaire « républicains/pédagogistes » semble tourner à l’avantage des traditionalistes, ceux-ci risquent bien vite de déchanter. Instrumentalisé, ce retour à l’âge d’or mythique n’est qu’un levier de destruction de l’école publique.

Ce n’est pas l’école du passé que propose M.Darcos, mais une « école nouvelle génération », une « école plus juste », une « école où progressent les libertés ». Ces mots dans son discours de rentrée ne laissent aucun doute sur les projets gouvernementaux.

Une école nouvelle génération

C’est une « école qui comprend et anticipe les besoins de la société plutôt qu’elle ne contraint la société à se plier à ses propres exigences » C’est bien l’annonce d’une école qui forme les hommes et les femmes au marché du travail. Trois catégories se profilent : ceux qui auront le socle commun pour des travaux qualifiés, des travailleurs autonomes, mobiles et adaptables ; ceux qui n’auront pas le socle commun pour des travaux non qualifiés, des travailleurs précaires, temporaires et dociles ; et bien sûr l’élite qu’elle soit d’héritage ou captée pour gouverner, diriger, expertiser,... etc. C’est une école liée aux impératifs économiques libéraux et aux préconisations européennes..

Une école plus juste

Une école « qui vise à retrouver le consensus avec les familles », une opération de charme, M.Darcos prononce plus de vingt fois le mot famille mais … seulement cinq fois le mot enseignant.

Tout rétrécit au « plus juste » !

Les programmes

Des programmes à l’intention des familles, avec une longue liste de savoirs simplifiés, isolés, minimalistes et utilitaires, des savoirs exposés et transmis par le professeur pour être récités et évalués. Le tout bien programmé par année, telle le sommaire d’un manuel : la liberté pédagogique serait-elle limitée au « choix d’un manuel de qualité »[1] ? Des programmes centrés sur « les fondamentaux » réduits au « lire-écrire-compter », laissant peu de place à la connaissance du monde et à la culture.

C’est une réduction de l’offre des connaissances de l’école publique qui creusera encore davantage le fossé entre ceux qui en bénéficient hors de l’école et ceux qui n’ont que l’école. L’accompagnement éducatif ne permettra pas de compenser le déficit et touchera peu les jeunes les plus exclus.

les horaires d'enseignement

La suppression du samedi pour une semaine adaptée au temps des parents qui travaillent, deux heures de moins d’enseignement pour tous les enfants. Des journées surchargées pour tous et un peu plus pour ceux qui sont déjà en souffrance scolaire, une double peine ! Les deux heures redistribuées aux enfants en difficulté, ne seront pas des heures d’enseignement, ce seront le plus souvent des répétitions et des exercices supplémentaires. Quelques réussites mécanistes qui ne combleront pas le déficit de connaissances. Le véritable échec, celui qui écarte l’enfant de l’accès au savoir sera toujours présent.

C’est un rétrécissement de la scolarité obligatoire, une séparation des élèves tout au long de leur parcours. Ceux qui réussissent et ceux qui échouent jusqu’à la sortie définitive : l’apprentissage ou une orientation professionnelle précoce.

Les enseignants

Suppression de postes, départs en retraite non remplacés, service minimum en cas de grève ou d’absence, formation professionnelle initiale et continue réduite ou supprimée. Les enseignants apparaissent dans les projets qu’en termes négatifs.

Moins d’enseignants fonctionnaires, plus de personnels vacataires, auxiliaires pour remplacer, compléter…

Une véritable privatisation intérieure de l’école publique !

Une école où progressent les libertés

Celles des familles avec la suppression de la carte scolaire, pas toutes les familles … celles qui peuvent accompagner leurs enfants dans les déplacements, les frais de restauration, les autres préférant par défaut la proximité. La publication des évaluations nationales aux familles orientera les choix. Les établissements les moins attractifs perdront ainsi leurs meilleurs élèves et s’enliseront. Petit à petit l’école publique deviendra moins performante.

Celles de l’enseignement privé qui voit ses financements augmenter et qui peut se permettre un taux d’encadrement plus élevé. Petit à petit l’école privée deviendra plus performante. Déjà on fait appel à elle pour créer 50 classes en zone prioritaire grâce au "plan banlieue".

Celles des entreprises qui participeront de plus en plus aux contenants et aux contenus de l’éducation…

Bref, l’école « nouvelle génération » c’est l’école privatisée avec quelques missions de service public.

[1] terme rencontré fréquemment dans les programmes 2008

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