Deux expositions du photographe chilien Sergio LARRAIN, disparu en 2012 à l'âge de 81 ans, ont eu lieu à Paris en 2013, l'une à la galerie de l'agence Magnum, 13 rue de l'Abbaye dans le 6e, et l'autre à la fondation Henri Cartier-Bresson, 2 impasse Lebouis, dans le 14e. Si vous ne les avez pas vues, je vous conseille de vous procurer l'exceptionnelle monographie de Gonzalo Leiva Quijada et Agnès Sire édité pour l'exposition "Sergio Larrain -Vagabondages".
Ses photographies nous saisissent et nous comblent.
Sergio LARRAIN devait être une personne humble et discrète, cela se voit! Il sait disparaître dans une neutralité bienveillante même lorsqu'il fait un portait. Ce n'est pas lui ou son art qui sont au centre de ses préoccupations, c'est bien le sujet photographié qui s'exprime à travers son objectif. Il parvient, chose rare, à capter un instant de vie et la beauté naturelle des visages et des lieux et à nous les restituer, presque intact. Je dis "presque" car les medium que sont le photographe et la technique photographique disparaissent presque entièrement pour nous donner accès à une scène de vie du passé. La photogtaphie, vecteur temporel, prend ici tout son sens.
Comment s'y prend-il? Il a la rigueur de Cartier-Bresson dans la découpe, et quelques-uns de ses "effets" mais qu'il utilise avec plus de naturel. Il dit d'ailleurs que ce qu'il y de plus "fort" dans une photo, ce sont les bords. Le cadre est donc précis, mais il n'est pas rigide par rapport au sujet photographié, autrement dit, ce n'est pas un cadre qui enclot ou capture l'image, c'est un cadre qui circonscrit le mouvement sans l'emprisonner, qui l'arrête pour le rendre visible. C'est pourquoi dans ses photos, il y a un souvent une silhouette tronquée et furtive qui dépasse le cadre mais reste visible. Cette technique, le photographe amateur l'évite en général car les angles doivent être "clairs", et pourtant, par ce seul artifice qui n'est que la conséquence de l'acceptation du réel, la photo parvient à capturer le mouvement, l'attente, et tout simplement la présence.
Mais ce n'est pas seulement le cadre qui joue son rôle, il y a aussi le placement du photographe, parfois au raz du sol pour donner non pas un effet appuyé de contre-plongée mais une proximité à la rugosité de la route, à sa pente, ce qui lui donne une réalité concrète et la rend ainsi plus présente à nos sens.
Les photos de Sergio LARRAIN respirent et expriment la grâce d'un instant et d'un visage ; Sa photographie n'est pas une fabrique d'images, elle n'est pas une esthétique, elle est un capteur sensible de la beauté du monde.
Cette beauté que l'on ne voit plus et que l'on détruit. De cela aussi, il en était conscient.