C'est venu à coup de multiples entailles perçues sur le moment, mais acceptées car finalement pas si graves que cela. Pas de réforme digne de ce nom, pas de politiques d'envergure mais des bousculements brouillons. Pas d'accompagnement mais des guichets ouverts à la manne publique, des annonces sans lendemain, des règles tatillonnes pour les sans grades et inexistantes pour les intérêts bien compris, des garanties perdues qui écornent chaque jour davantage l'efficacité de l'action et l'assurance de l'équité, une vision absente qui conduit au déni du bel ouvrage utile. A force de déconvenues accumulées et de frustrations, l'énergie a faibli, l'espoir a fui le collectif, la solitude est devenue le refuge des plus libéraux, et la communauté a réchauffé les plus frondeurs. Au final, repliés en nous-mêmes et étrangers aux autres, nous sommes devenus la proie des habiles et des imposteurs. Secouant le souvenir vaincu de nos anciennes gloires, ils ont donné l'illusion d'un retour du destin collectif pour mieux le détruire et non renvoyer à notre propre impuissance. Cette faiblesse partagée muée en désespoir secret ou avoué ne peut être transmutée que par une force extérieure à nous-même, celle d'un ordre établi face au désordre de nos vies.
Et voilà comment naissent les monstres ....ils ne naissent que dans des consciences qui ont perdu à la fois toute humilité et toute liberté.
De la fracture, nous sommes passés à l'indifférence puis au mépris. Une abdication de la conscience individuelle dans un modèle pensé ailleurs pour lequel nous devenons le rouage perpétuel et subordonné.
Chacun faisant sa propre loi de raison, sa propre opinion, son propre jugement, la raison n'était plus construite en commun, ne restait que la raison du plus fort, ou du plus liké. Façon de se retrouver et se complaire dans une identité statique et fermée. Voir son double identifié, c'est décupler sa puissance pour soi-même et pour les autres, ou contre les autres si cette puissance reconquise n'a pour seul objectif que de vivre dans ses certitudes, ou dans ses illusions.
La boucle est bouclée, l'optimisme est rêveur, le pessimisme est lucide, le bonheur est une idée, le mal un fait qu'il faut éradiquer.
Alors qu'est-ce que le droit, cet idéal commun ne nous ressemble pas, trop abstrait, trop peu utile face aux réalités, mieux vaut que le droit se conforme au réel qui n'est autre que le joug de notre puissance retrouvée sur nous-mêmes.
C'est du bel ouvrage, bravo, quand le politique n'est plus chose commune, il devient l'affaire du seul pouvoir institué chef qui décide pour chacun et à sa place. Un sauveur qui condamne.
L.E.F.