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Billet de blog 13 juin 2015

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Un parallèle écoeurant : Daesh et les brigades internationales selon M. Couturier

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Il est question dans ce billet de M. Couturier, chroniqueur multiservices qui sévit tous les jours de la semaine sur les Matins de France Culture et qui a souvent le don de m’exaspérer par ses propos fielleux prononcés d’une voix douceâtre. Tel Diafoirus, comme remède à tous les maux, il ne sait que recommander la saignée des services publics et des aides sociales. Pas plus tard que jeudi dernier, sur le thème de la détresse des enfants pauvres, comme une invitée de la Matinale, Marie Rose Moro, évoquait le cas des enfants de mères seules, premier contingent de ces enfants pauvres, M. Couturier eut l’idée lumineuse de proposer qu’on coupe les allocations des mères seules pour mettre les pères devant leurs responsabilités : au machisme à alibi freudien (la « loi du père » serait l’alpha et l’oméga de  toute saine éducation) se conjugue le thatchérisme le plus archaïque (sous couvert de responsabilisation, il s’agit bien de punir ces « salauds de pauvres » comme à l’époque des working houses).  Mais M. Couturier a atteint un sommet de malhonnêteté intellectuelle le 9 juin 2015 en osant faire un parallèle entre Daesh et …. les Brigades Internationales : les djihadistes de tous les pays partent en Syrie pour combattre pour une cause «transnationale » tout comme les brigadistes de 1936 sont partis en Espagne : c’est donc qu’il doit y avoir un esprit commun à ces deux combats.

Après quelques recherches sur Google je découvre que ces propos quasi diffamatoires de M. Couturier sont une récidive car il les avait déjà tenus à peu près dans les mêmes termes sur la même antenne le 23 avril 2014. Je cite le passage de son billet : « L’International Centre for the Study of Radicalisation, basé au Kings’College de Londres, estime à environ 9 000 les djihadistes étrangers, venus combattre le régime, déclaré “impie” de Bachar Al-Assad, en Syrie. La grande majorité d’entre eux arrive des pays arabes proches, en particulier de Jordanie, du Liban mais aussi d’Arabie Saoudite. Mais plusieurs centaines proviendraient aussi d’Europe et leur nombre ne cesse d’augmenter. Nous avons donc à faire à des espèces de « brigades internationales », comme lors de la Guerre d’Espagne. » Pour faire bonne mesure, M. Couturier terminait son billet en comparant les terroristes de Daesh à des fascistes…. et que je t’embrouille : alors les volontaires de Daesh fascistes ou brigadistes ? Il est possible que dans l’esprit de M. Couturier cela ne fasse pas beaucoup de différence….Aux réactions indignées que l’on peut lire sur le forum de France Culture, M. Couturier se contente de faire allusion à des commentateurs prétendument nombreux qui auraient fait avant lui ce même rapprochement. Et de citer pour seules sources un billet de Claude Askolovitch, autre éditorialiste multiservices, dont je n’ai pu retrouver la trace, et un article du Guardian en date du 10 février 2014

http://www.theguardian.com/commentisfree/2014/feb/10/orwell-hero-terrorism-syria-british-fighters-damned

Me reportant à cet article, j’ai quant à moi compris que son auteur y dénonçait la législation anglaise contre le terrorisme et que dans le cadre de son argumentation il signale que si le Terrorist Act de 2006 avait été en vigueur au moment de la guerre d’Espagne, les brigadistes auraient pu être passibles d’une peine de prison à vie, tout comme les volontaires qui partent rejoindre les rangs de Daesh aujourd’hui. L’usage que M. Couturier fait de cet article paraît donc plus que douteux…

Mais ici je voudrais chercher à comprendre pourquoi, lorsque j’ai entendu ces paroles, elles m’ont fait l’effet d’une piqûre venimeuse. Ce rapprochement repose sur de multiples approximations : ainsi entre  « transnationalisme » et internationalisme il y a plus qu’une nuance ; le marxisme n’est pas une « croyance » mais une philosophie (et il ne suffit pas de brandir Popper pour annuler Le Capital), se battre POUR la démocratie  ce n’est pas la même chose que se battre CONTRE la démocratie, c’est l’inverse, etc…Mais ce n’est pourtant pas seulement cela qui m’a fait bondir. Ce qu’il y a de foncièrement écoeurant dans cet amalgame, c’est qu’il aboutit à  vider de toute sa substance une noble cause pour la transformer en à peu près n’importe quoi. C’est qu’il ravale un combat pour un idéal d’émancipation humaine au rang d’une aventure fanatique et sordide ….Je vois là le pédant M. Couturier s’abriter derrière son scepticisme vainqueur, pour porter l’estocade finale : ce genre de combat pour l’émancipation humaine ne peut être inspiré que par un aveuglement fanatique et sombrer dans le massacre stalinien…. Somme toute, la « croyance » en l’émancipation humaine ne peut être inspirée que par un fanatisme qui vaut bien celui des coupeurs de tête de Daesh. Voilà où mènent les théories relativistes à la François Furet. A une conception de la liberté si étroite et si limitée .... qu'il paraît vain, voire fanatique, de vouloir se battre pour elle. Pauvre M. Couturier.

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