Je distingue, deux grandes périodes dans sa vie adulte: celle des schubertiades et du lied à partir de 1817 jusqu'en 1823/24, puis celle de 1824 à 1828: l'oeuvre de la maturité, dans la solitude et la maladie. Or, La Jeune Fille et la Mort est au coeur de l'activité créatrice de Schubert, dans chacune de ces deux années charnières de la vie du compositeur: d'une part: 1817 pour le lied, d'autre part: 1824 pour le quatuor.
Le Lied, donne à entendre une musique lancinante et poignante sur le court poème à 2 strophes de Claudius qui reprend le thème antique de la mythologie grecque contant l'enlèvement de Perséphone par Hadès. La jeune fille, au moment du ravissement, quand la terre s'ouvre, crie son effroi, supplie, résiste. Un cri qui, tel une reviviscence, n'est pas sans évoquer le cri de l'hilflosigkeit du nourrisson. Douleur du manque, de la perte, présente dans toute constitution psychique. Sans en être véritablement, c’est la couleur du désespoir et de la dépression auxquels répondent la force de l'inéluctable, la séduction à laquelle se livre le knochenmann, le squelette-osselets, l'irreprésentable, pour convaincre l'enfant à se résigner au retour au royaume d'avant les origines. Un cri qui s'engloutit dans les profondeurs de la terre, tout à la fin du lied, ici, avec Nathalie Stutzmann.