Schubert
Andante du QUATUOR N° 14
dit La jeune fille et la mort.
Avec Schubert comme dans la mythologie, le mythe ne s'arrête pas à l'enlèvement de Perséphone ; c'est un évènement qui ne fait qu'ouvrir à l'énigme de la disparition, avec l'initiation aux mystères d'Eleusis. C’est la quête personnelle de Schubert dès lors qu'il est confronté à sa propre disparition dans l'épreuve de sa maladie. Ainsi s'élabore la Jeune Fille et la Mort, de 1824 à 1826, dans le quatuor en ré mineur, no14, qui est son avant-dernier quatuor. Ecoutons particulièrement le deuxième mouvement, dont le rythme très lent du C place cette andante hors du temps, tandis que, par le jeu des reprises et des variations, Schubert qui s'est ressaisi de son objet, en joue infiniment, s'en joue et s'en rejoue, dans un véritable va et vient du jeu de fort - Da , bébé - ô, dans la jubilation et la jouissance. Il se peut que celui qui écoute soit à ce point pris dans ce mouvement et que la mélodie lui vienne et lui revienne, petite musique tournant toute seule dans sa tête, se faisant aussi " chant intérieur" qui l'anime soudain........Jusqu'à ce que tout s'immobilise dans une sorte de sidération et d'éclaircissement, là où le créateur puise toute la puissance de ses prochaines productions sonores, quand s'opère le rare instant de la rencontre entre pulsion de vie et pulsion de mort, quand la chose cachée du domaine de l'invisible affleure à la conscience et relie au signifiant, tout comme l'objet a soudain si proche dans le fantasme est cependant insaisissable. Schubert désormais, parce qu'il a cette capacité de chanter de concert avec la mort: "la voix merveilleuse" d'outre-tombe, est d'autant plus vivant, d'autant plus créateur. Le quatuor La Jeune Fille et la mort se trouve au moment charnière où sont produites ses oeuvres les plus accomplies dans les dernières années de sa vie.