La pensée, dans son fonctionnement, provient trop souvent hélas de pré-supposés, croyances, autant de déterminants fixes et immuables. De préceptes, assertions péremptoires elle se constitue en bloc monolithique, en dogme.
Lorsqu'aucune autre hypothèse n'est possible dans une affirmation, lorsque cette hypothèse se suffisant à elle-même s'est pour finir, figée en certitude absolue, la pensée opère alors un raisonnement en fermeture, tel le "CQFD", un serpent qui se mord la queue, une boucle bouclée, un feed-back comme, par exemple, c’est le cas dans le fonctionnement du déterminisme biologique hormonal. Dans la pensée humaine, un dogme pour se conforter et s'auto-alimenter, pratique le syllogisme qui est un raisonnement se refermant sur lui-même. Dès lors, il n'y a plus aucune place pour l'exploration assurément incertaine et inconfortable de la complexité de l'humain, du vivant et du monde, et qui néanmoins est la nécessité de toute quête, de toute recherche. Ainsi le confort d'une pensée ficelée propre à une croyance aura prévalu sur le goût, voire la passion de la recherche sur les sentiers encore à débroussailler de l'errance.
Une telle pensée déjà toute dite en elle-même n'est plus capable d'entendre d' autre qu'elle même. Ainsi, lorsqu' une pensée autre se manifeste, venant se heurter sur le roc de la certitude, elle se choque sur le croyant et ne peut plus entrer dans le champ de l'analyse. L'autre, parce qu'il est irréductiblement confiné dans l'in-entendable est, pire que repoussé, in-existant. Cette pensée qui confine l'autre dans la réclusion de l' in-intendable, de l' in-existant, n'est plus une pensée. Cette pensée dogmatique, toute dite en elle même, qui, en lieu et place de toute tentative de com-préhension a d'emblée exclu l'autre du champ de la confrontation des idées, donc de l'analyse, une telle pensée auto-suffisante excluant ce qui n'est pas elle, n'est plus une pensée.
Lorsque survient inévitablement une controverse, la pensée dogmatique, se voyant heurtée par un point de vue divergent se crispe sur sa certitude et s’érige aussitôt en jugement. L' autre, au départ in-existant dans la pensée dogmatique, se trouve ensuite transformé, par un jugement hâtif, en bouc-émissaire. Il s'agit bien là d'une pensée fortifiée. Violente, mortifère c'est elle seule qui opère le délitement de la confrontation des idées en même temps qu'elle fabrique son bouc-émissaire, son coupable de la discorde.
Cette pensée fortifiée, corsetée, qu'est la pensée dogmatique lorsqu'elle est lancée médiatiquement, permet, aux perroquets de toutes sortes qui vont la répéter et toujours en boucle, "par paresse, lâcheté, couardise "[1] de se donner l'illusion de penser.
21 novembre 2013
[1]Selon Etienne de la Boétie, Discours sur la servitude volontaire.