C’est à une petite invitation au voyage que je vous invite, un voyage musical, en vous laissant prendre par une émotion que Schubert dispense toujours généreusement, une émotion qui sait si bien dire en sons la Fraternité qui relie les êtres par-delà le temps et l’espace.
Nous allons là où Schubert nous emmène, encore et toujours, à suivre Korê, entre ténèbres et lumière. Plus tout à fait dans l’instant où Perséphone est ravie par Hadès, roi du royaume des morts, plus du tout dans le lied puis le quatuor, tous deux dits La Jeune Fille et La Mort. Mais avec un impromptu, courte pièce pour piano, qui sans avoir l’air de rien, tout à coup, nous saisit et entrouvre le chemin que, de tous les dieux et déesses de l’antiquité, seule Korê emprunte à chaque équinoxe, traversée entre royaume des morts et royaume des vivants, entre visible et invisible.
Impromptu n°1 op.142 D. 935 en la mineur.
ou bien : http://www.youtube.com/watch?v=MQzYCUEYaJo
Tout commence par une courte introduction en accords plaqués.
Un premier thème se développe sur un ton plutôt badin et un rythme en notes répétées avec insistance, sorte de marche tranquille. Ce thème n’en est pas moins orné de légères guirlandes de notes des plus primesautières. Puis, soudain, cette longue promenade s’interrompt en une sorte d’agrippement dans l’aigu suivi d’un point d’orgue : …
Une première descente aux enfers. Sobre descente en cascade dans les graves. Un nouveau thème déploie une mélodie des plus lyriques dans un duo harmonieux entre graves et aigus. Croisement des mains sur le clavier. Deux voix se répondent, pianissimo, et oscillent dans l’intimité et la fluidité d’une douce lumière parsemée de légères notes cristallines. Fondre, se dissoudre dans une telle beauté, dans le hors- temps.
Mais un crescendo, en grondement sourd opère la remontée vers le réel dans un rythme plus saccadé et avec le retour du premier thème : retour dans l’implacable et ses accords assénés, puis de la marche tranquille. Nous retrouvons un monde des vivants plus insistant, plus convenu, dans des accords plus appuyés. Nous ne cessons d’aller et venir entre le champ de l’intimité et celui de la réalité sociale.
Puis un ralenti suivi d’un long silence annonce une deuxième descente aux enfers et un retour au thème lyrique qui nous prend sous son aile, cette fois, sans s’attarder, une réminiscence.
En effet, encore un grondement annonce une ultime remontée à la vie. Fin de la promenade qui reste suspendue dans cet entre-deux solsticial de décembre, entre obscurité de la nuit et lueur du jour.
Conclusion, sur deux accords doucement plaqués sur le clavier.
Catherine Grenier.
23 décembre 2013