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Billet de blog 27 octobre 2025

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L'ORDRE PUBLIC

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

L’ORDRE PUBLIC

Était ce indispensable de prononcer la peine d’emprisonnement de Nicolas Sarkozy avec exécutoire provisoire ? La réponse est négative vu l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ».

Cela n’enlève rien à la gravité des charges qui pèsent sur Nicolas Sarkozy en attendant leur réexamen par d’autres juges. La règle du double degré de juridiction constitue un pilier essentiel de la confiance en la justice. Elle signifie que les juges de première instance peuvent se tromper. Ils peuvent certes également se tromper en appel puisque, par nature, toute action humaine est faillible.

Le fait qu’une potentialité d’erreur soit reconnue au moyen du réexamen d’un dossier par des magistrats différents, est primordial. Et le fait qu’elle soit invoquée aujourd’hui par ceux-là mêmes qui continuent à déconstruire nos libertés et droits fondamentaux, ne doit pas nous faire renoncer à en défendre le principe. En toutes circonstances.

Le tribunal correctionnel de Paris a jugé l’exécution provisoire nécessaire pour « garantir l’effectivité de la peine au regard de l’importance du trouble à l’ordre public causé par l’infraction ». Autrement dit sans motiver sa décision, la notion d’ordre public n’étant pas définie. Elle relève de l’arbitraire le plus total. Ironie du sort, l’article 7 de la loi, en projet, du ministre de la Justice Gérald Darmanin, dite loi S.U.R.E prévoit d’intégrer le « trouble à l’ordre public » dans les critères de l’exécution provisoire.

Le syndicat CGT Insertion Probation fait une analyse judicieuse du problème posé dans son communiqué publié le 23 octobre 2025, intitulé " Incarcération de Nicolas Sarkozy : la révolution pénale est comme Saturne, elle dévore ses enfants ! "L'ORDRE PUBLIC

Communiqué de la CGT insertion probation :

"Ce 21 octobre, l’ancien président de la République Nicolas Sarkozy entre en détention à Paris-la-Santé. Un symbole fort, bien sûr. Mais surtout l’occasion de rappeler que le système pénal et carcéral qu’il a contribué à durcir depuis les années 2000 est aujourd’hui à bout de souffle. Peines planchers, affaire de Pornic, responsabilité des agents du ministère, sévérité, célérité, autant d’injonctions données depuis plus de 20 ans par ce dernier à l’ensemble des acteurs de la justice pénale.

Pourtant depuis le 6 octobre 2025, un nombre considérable de voix se lèvent, dans une étrange polyphonie politico-médiatique, pour remettre en cause une justice expéditive, disproportionnée, à charge dans ce dossier sans jamais remettre en question le fonctionnement de la justice pénale dans son entièreté.

Incarcéré et pas définitivement condamné, exception, scandale ?

Comme 22 500 autres détenus sur les 85 000 présents dans les prison françaises, Nicolas Sarkozy est incarcéré alors qu’il n’est pas définitivement condamné (dans cette affaire en tout cas...), puisqu’il a fait appel. Il y a deux types de prévenus en détention ; les détenus appelés couramment les « appelants », à savoir interjetant appel de leur condamnation alors qu’un mandat de dépôt a été prononcé par la juridiction (exécution provisoire), et les détenus qui sont incarcérés alors même qu’ils n’ont encore JAMAIS été jugés.

Ce type d’incarcération pose en effet des problématiques juridiques voire philosophiques. En effet, si le principe de la présomption d’innocence est censé prédominer pour garantir les libertés fondamentales des justiciables, de nombreuses dérogations ont été prévues par le législateur avant le procès ou à la suite de la condamnation en première instance. Ces régimes dérogatoires, étendus au fil des réformes pénales (notamment sous les quinquennats Sarkozy et Macron), installent une logique d’urgence et de suspicion permanente, où la privation de liberté devient un outil de gestion de l’ordre public avant d’être une réponse judiciaire à des actes posés.

C’est d’ailleurs à l’initiative de toute une partie droitière de l’échiquier politique, dont le président de la République a été un moteur, que le recours à la détention ou l’exécution provisoire est plébiscité. Dernière réforme prévue, le projet de loi SURE de Gérald Darmanin qui prévoit dans son article 7 encore une fois d’étendre le champ de la détention provisoire en matière correctionnelle en intégrant un motif d’ordre public, notion ô combien floue et extensive.

La détention provisoire est donc loin d’être ni une exception en matière pénale, ni en l’occurrence un traitement extraordinaire. C’est justement un des nœuds du problème de la surpopulation carcérale en France et devrait nous interroger collectivement pour Nicolas Sarkozy mais aussi pour les autres 22 499 détenus provisoires de France."

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