Le point de vue de Frédéric Boccara
Si François Bayrou a pris le risque d’être renversé ce 8 septembre, c’est que la colère populaire explose contre son gouvernement illégitime, qui attaque quasiment tout le pays : les personnes, les services publics et l’industrie, et pas seulement les couches populaires. Le chaos ? François Bayrou et Emmanuel Macron l’accélèrent. Ils prétendent être ouverts aux alternatives. Tu parles ! Seulement pour baisser les dépenses publiques. Le RN propose d’ailleurs lui aussi un recul de 25 milliards d’euros. Or, il faut augmenter les dépenses publiques. C’est ainsi que l’on va sortir le pays des difficultés. Mais il s’agit de les augmenter en les finançant autrement, grâce à des réformes de structure.
Le péril : c’est la finance, pas la dette ! La dette n’est que le symptôme des difficultés et la conséquence d’une politique de désindustrialisation, de casse des services publics et de « toujours plus » pour le capital, sous prétexte de politique de l’offre. Les cadeaux fiscaux aux ultra-riches et à la finance se combinent à cette casse et au cancer financier.
Le problème ? C’est le niveau des taux d’intérêt et l’utilisation de la dette. Financer autrement implique la création d’un fonds d’avance à bas taux (zéro voire négatif) pour les services publics, adossé au pôle public bancaire. Son refinancement à 0 % par la BCE est compatible avec les traités européens actuels.
C’est la bataille politique à mener en France et en Europe. Cela ouvrira la voie à la création d’un fonds européen de développement économique, social et écologique pour les services publics. La dette peut ainsi être une avance pour se développer. Si elle pose un problème, c’est parce qu’elle est largement utilisée pour des dépenses inefficaces voire perverses. 211 milliards d’aides aux entreprises financent licenciements, délocalisations, bas salaires et gonflent les dividendes. Utilisées contre l’emploi et la transition écologique, ces aides sapent les bases d’une croissance économique saine, d’un développement efficace.
C’est pourquoi le poids de la dette s’accroît par rapport au PIB. Il faut dépenser autrement en recrutant massivement des agents publics et en changeant les critères des aides aux entreprises sous contrôle des salariés.
Nous devons aussi engager une refonte de la fiscalité et renforcer la cotisation sociale pour un nouvel âge de la Sécurité sociale. Voilà un cahier de revendications pour le mouvement social !
La logique est un choc d’efficacité sociale et économique, en boostant les capacités humaines et en transformant le comportement des entreprises. Il est temps d’engager les transformations (nationalisations d’un nouveau type, sécurisation de l’emploi et de la formation, planification écologique et sociale) sans matraquer fiscalement le pays.
Macron doit nommer un premier ministre de gauche pour mettre en œuvre une politique en phase avec ce socle économique, avec le programme du NFP. Les « modérés » doivent prendre leurs responsabilités. Discutons à partir de ce programme pour sortir le pays des difficultés et faire barrage à l’extrême droite.
"Nous proposons un contre-budget afin d’améliorer immédiatement le sort des salariés et trouver des recettes grâce à une croissance durable"
Le point de vue de Liem Hoang-Ngoc
Le contre-budget du Parti socialiste montre que des alternatives réalistes au plan Bayrou existent. Sa priorité est d’instaurer la justice fiscale et financer un plan de relance écologique et sociale, alors que la planète brûle, que les inégalités explosent et que le chômage sévit en Europe. Au total, l’effort demandé est deux fois moins important que le plan d’austérité de 44 milliards d’euros, excessif et injuste, programmé par le premier ministre. Notre politique met à contribution les classes riches, dont les revenus et patrimoines ont explosé. Elle ne pèse pas sur les travailleurs et accroît le pouvoir d’achat des bas salaires. La décomposition des différents volets de notre plan permet d’en mesurer les impacts économiques.
Côté recettes, alors que le plan Bayrou augmente « en année blanche » de 11,8 milliards les impôts des classes moyennes et modestes (notamment en rendant imposables 380 000 foyers qui ne l’étaient pas), notre plan instaure la taxe Zucman sur les hauts patrimoines, réforme la flat tax sur les revenus du capital, rabote certaines niches fiscales comme le crédit impôt recherche, le crédit d’impôt sur les aides aux particuliers et abaisse le seuil d’exonération des cotisations patronales. Il réduit le taux de la CSG en dessous de 1,4 Smic (afin d’augmenter de 900 euros par an le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes).
Côté dépenses, il réduit de 5 milliards les dépenses inutiles, et relance de 19 milliards les investissements utiles en faveur de la transition écologique, du logement, des transports et des services publics. Enfin, il abroge la réforme des retraites et ouvre la négociation sociale sur le financement de notre régime par répartition.
L’effort fiscal, de l’ordre de 30 milliards, est donc centré sur les classes riches, dont la propension à épargner est forte et qui sont les bénéficiaires du capitalisme financier. Il se justifie d’autant plus que le taux d’épargne en France atteint 18 % (contre 14 % habituellement). Taxer l’épargne des classes riches pour distribuer en faveur des classes modestes (qui dépensent l’intégralité de leur revenu car elles sont trop pauvres pour épargner) est de nature à accroître la propension à consommer de l’ensemble de l’économie.
Avec les mesures de relance précédemment mentionnées, l’effet multiplicateur (sur la production) de la relance l’emporte sur les effets résultant de l’effort fiscal nécessaire. Son financement est complété par l’emprunt, aboutissant à un déficit public de 5 % du PIB. Cette politique soutient une croissance durable, source de recettes fiscales induites permettant de stabiliser le ratio dette/PIB, puis de le réduire. Elle remet la France sur une trajectoire macroéconomique crédible, ramenant en sept ans l’économie vers le plein-emploi, avec un déficit public inférieur à 3 % du PIB en 2032. Dans un Parlement sans majorité absolue, elle peut améliorer immédiatement le sort des salariés, grâce à des majorités de circonstance, sans bruit, ni fureur.
Débat publié dans l'Humanité
Publié dans Bayrou, Economie, Politique nationale