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Billet de blog 13 août 2024

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Une enfant aux prises avec la barbarie

Il s’agit ici d’un récit qui rapporte des faits d’inceste tels qu’une enfant les a rapportés. Sa maman a tout tenté pour la protéger mais un certain exercice de la justice a pris un chemin de travers.

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Maternophobie organisée – Épisode 1

L'histoire ressemble à beaucoup d'autres, et un grand nombre de mamans se reconnaitront dans ce récit. Les prénoms ont été changés, les lieux sont donnés sans repères. 

Dès le début de la grossesse de Tania, le père, V, son compagnon, a commencé à se montrer agressif et colérique, affirmant même qu'il ne voulait pas d'enfant. Les violences sont allées crescendo dans les semaines qui suivirent la naissance de la fillette, Anna. 

À peine le bébé – Anna – est-il né, que sa mère et la fille subissent des violences physiques et psychologiques. Elles faillirent même être tuées par le père lors de crises d’une violence effrayante avec séquestrations et menaces de mort. Lors d’une de ces crise, il vise Anna en lui balançant une chaise.

En mars 2014, la police doit intervenir, celle-ci place la mère et la fille en foyer d’urgence durant 7 semaines. Alors que la mère est en état de choc les policiers l’obligent à porter plainte. Mais ils finissent par lui conseiller d’attendre et de simplement déposer une main courante. La plainte passera à la trappe. 

Le père la harcèle pendant ces semaines, profère à nouveau des menaces de mort. Épuisée, craignant pour leur vie Tania décide de quitter sa ville et son logement avec son nouveau-né de quelques semaines dans les bras.

Une plainte est déposée pour ces crises de violences répétées, mais elle est rapidement classée. 

Comme on le constate dans les dossiers de ce genre, la parole du père est prise pour argent comptant par les différents intervenants : experts, services sociaux et juges.

La parole de ‘V’ est crue sans aucune remise en cause tout au long de la procédure auprès du Juge aux Affaires Familiales (JAF). Il ose même déclarer qu'il n'a jamais été violent, et qu’il s'est à peine emporté, la mère par contre étant qualifiée par celui-ci de “déséquilibrée“.  (Des témoins on fourni des récits sans équivoque des violences perpétrées dans la rue) 

Pendant deux ans, les rapports sociaux et expertises se succèdent, toujours à charge contre la mère. Elle est accusée d'avoir tout inventé, d'avoir quitté sa ville, son domicile et son travail juste pour priver le père de l'enfant.

Un "expert" psy, commis par la justice recommande de confier la petite à son père alors qu'elle a à peine plus d’un an. Cette fois la JAF ne suit pas cette recommandation, mais il précise que « la mère doit apprendre à faire confiance au père »… 

Le père, qui avait obtenu un droit de visite médiatisé pour commencer, puis un droit de visite classique, est parvenu à obtenir un droit de visite élargi pendant que la mère échappait de peu à un retrait de garde au seul motif du très jeune âge de l’enfant. 

Une enfant dit son calvaire, la justice n’entend pas

Dès que les premiers séjours chez son père ont eu lieu, à la fin 2015, la fillette, alors âgée de 18 mois, s'était montrée perturbée, et sa mère ainsi que des personnels de la crèche et la pédiatre, avaient constaté divers symptômes qu'elle n'avait pas avant (maladies à répétition, troubles du sommeil, agitation...).

Un peu moins d'un an après le premier séjour chez son père, la petite qui parle à peine explique notamment à sa mère : « il a mis le zizi dans la zézette » en désignant l'auteur des faits comme un proche de son père. 

La maman est sous le choc. Mais, elle sait que si elle ne confie pas l'enfant à son père, la justice se retournera contre elle. Elle envoie donc l'enfant chez "V" pour deux semaines de vacances. Mais à son retour, la maman découvre le sexe et les parties anales de son enfant rougies, tuméfiés…enflées, et elle remarque aussi des traces de griffures au niveau de l'entrejambe de la petite.

Elle appelle immédiatement un médecin qui constate les lésions et à qui l’enfant se confie. A la surprise totale de la maman, et devant ce médecin l'enfant désigne cette fois-ci son père en plus de l'homme dont elle avait déjà parlé.

Un rendez-vous est pris dès le lendemain à l’hôpital, où le médecin responsable des urgences pédiatriques rédige le premier signalement au Procureur. Ce qui donne lieu à l’ouverture d’une enquête pénale.

Plusieurs signalements suivront émanant de psychologues, d’une présidente d’association et de la maîtresse de l’enfant. 

La maman porte plainte contre son ex-conjoint pour viol sur mineur par ascendant en novembre 2016. Anna est alors âgée de 2 ans et demi. Durant neuf mois, la mère continue malgré tout de remettre sa fille à son père, sur les conseils d’associations de protection de l’enfance et de ses avocats :

« J’étais sidérée. Ils me disaient qu’il fallait continuer de la donner, sinon il obtiendrait sa garde en quelques semaines. »

Or, dans cette affaire, la police mettra plus de huit mois à auditionner le père. Dans le même temps, sept signalements seront transmis au procureur. Des psychologues privés, mais aussi l’école, le centre médico-psychologique (CMP) du lieu de résidence de la mère, l’unité médico-judiciaire du CHU… Tous accréditent les propos d’Anna.

Illustration 1
Anna dessine les prédateurs © Anna

Ainsi, le Dr A. B. S, du pôle psychiatrie de l’enfant de l’hôpital M. du centre médical de la ville, écrit au parquet en juillet 2017 : « [Anna] me dit : “Je vois le zizi de papa, il est gros et poilu. Puis, dans la foulée, elle écarte les jambes et mime une scène où son père, d’après elle, lui “tape le zizi” contre son ventre. Immédiatement après […], les yeux d’[Anna] se perdent dans un mouvement incontrôlé. La scène évoque une rencontre précoce et traumatisante avec la sexualité d’adulte. »  

Mais aucune mesure de protection n’est ordonnée à la suite de ces rapports. L’enfant passera donc une partie de ses vacances d’été chez son père comme le prescrivait le précédent jugement du JAF. D’autres révélations de la fillette montrent qu’elle sert de sex toy dans les jeux sexuels de son père et de son jeune parent/amant.
En désespoir, Nadia dépose une nouvelle plainte suite à ces nouvelles révélation, et écrit au Procureur pour expliquer l’urgence de la situation et la nécessité de protéger Anna. 

L’enquête pour « viol sur mineur par ascendant » sera classée sans suite, en décembre 2017 sans qu’aucune investigation sérieuse ne soit menée. Entre-temps, la maman a décidé de se mettre hors la loi. Elle est en non-représentation d’enfant depuis septembre 2017. 

Le père, qui ne lâche rien, profitant de la complicité silencieuse des acteurs sociaux et des juges complaisants, avait fait appel de la précédente décision du JAF. Lors de cet appel, le tribunal judiciaire de la ville avait ordonné le placement de l'enfant chez son père, avec tout de même des droits de visite et d'hébergement un week-end sur deux et pendant les vacances pour la maman. Un peu de mansuétude tout de même !!! 

L’affaire prend alors un tournant surprenant dont le récit pourrait paraître surréaliste autant qu’incroyable. 

En effet, une mesure judiciaire d’investigation éducative est confiée à une association, portant un nom rappelant ses missions de sauvegarde de l’enfance, chargée de « procéder à une étude de la personnalité de la mineure, de ses conditions de vie et d’éducation ».

La psychologue chargée de l’expertise va enfreindre toutes les règles relatives au recueil de la parole des enfants. 

Une expertise inqualifiable et une déflagration

Voici le récit de l’entretien tel que Hugo Lemonnier le rapporte dans l’article mentionné ci-après.
[Début de citation de l'article d'Hugo Lemonnier]
L’échange commence sur un ton badin. Au bout de quelques minutes, l’enfant, alors âgée de 4 ans, raconte que son papa « lui fait des choses pas bien ». Dès lors, la psychologue ne va avoir de cesse de demander « qui » a « raconté ça » à la fillette : «Et qui c’est qui t’a dit de me raconter ça ? […] Alors, dis-moi, c’est maman qui t’a raconté ça ? […] Alors qui c’est qui t’a dit de me dire ça ? […] Qui t’a raconté ça ? Que papa il t’avait fait ça ? […] Qui est-ce qui t’a raconté ça ? […] Qui c’est qui te l’a dit ? […] Donc maman elle t’a raconté que papa il t’avait fait du bobo ? » Peu à peu, Anna se referme, évite les questions de la psychologue. Celle-ci repose pour la dix-septième fois la question :

La psychologue insiste jusqu’au harcèlement.

« Viens répondre à une question, après on pourra jouer. Que ton papa il t’a mis le zizi dans la zézette et tout, c’est maman qui te l’a raconté ?

— Oui…

— Pourquoi elle te le raconte ?

— J’ai plus envie de discuter, moi !

— Ah ! C’est ça ! C’est maman qui te le raconte ! »

Dans les minutes qui suivent, la psychologue va encore presser de questions la petite fille. Quatre fois, elle demande à Anna :

« Pourquoi maman, elle raconte ça ? »

La fillette finit par bredouiller : « Mais parce que c’est la vérité… hein »

— « Oui, mais toi, tu t’en souviens pas de la réalité, c’est maman qui te l’a raconté », rétorque la psychologue.

« Si, je m’en souviens », affirme la petite. 

(À lire cette retranscription, on est traversé par un profond malaise. On a du mal à user du terme psychologue pour qualifier cette femme. Usurpatrice, imposteure conviendraient sans que ces mots soient assez forts) 

Quand l’association mentionnée plus haut rédige son rapport, elle ignore que l’entretien entre Anna et la psychologue de la structure a été enregistré.

(Conversation, dont Mediapart détient une copie audio et une transcription réalisée par un huissier de justice, dure 18 minutes et 41 secondes.) Inceste: des mères face au silence de la justice, par Hugo Lemonnier, publié le mardi 2 mars 2021, Mediapart.
[Fin de citation de l'article d'Hugo Lemonnier]

 C’est suite à ce simulacre d’expertise psychologique par une psychologue indigne de se prévaloir de ce titre, le service conclut alors à une manipulation de la part de la mère : « Le discours maternel inébranlable affirmant la dangerosité du père en tant qu’agresseur sexuel risque de constituer à moyen terme un préjudice important dans le contexte du développement psychoaffectif de la fillette. » 

Les avocats de la mère n’ont jamais réussi à faire annuler l’expertise contestée et, d’un point de vue éthique, totalement irresponsable : « La justice refuse de prendre en compte l’enregistrement de l’entretien, sous prétexte qu’il a été obtenu de façon “déloyale”, explique son conseil. Cette décision est inepte. Mme Malenic ne se met pas hors la loi, elle fait ce que la justice lui impose : protéger sa fille. » 

Après avoir consulté ses conseils, dont les avis sont partagés, la maman décide de tout abandonner et de fuir la France.  

Le couperet tombe.

C’est sur la base de ce rapport que la cour d’appel de la ville va fixer la résidence de l’enfant chez le père, par arrêt du 17 mai 2018. 

« Là, c’est la déflagration », raconte Tania. « Je sais que c’est impossible d’obéir à ça. Je ne peux pas…

Je ne peux pas. »

La mère est en fuite depuis. Elle est visée par une instruction pour « soustraction d’enfant aggravée ». Elle encourt trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.

Une instruction est en cours depuis octobre 2019. La mère de Tania, son frère, sa sœur et une amie d’enfance ont été placés en Garde à vue durant en février 2020, traités comme des terroristes, leurs domiciles perquisitionnés. 

Depuis sa fuite, la justice a décidé du placement d’Anna dans un foyer de l’ASE. Anna est désormais dans sa onzième année.

Interrogée par Hugo Lemonnier de Mediapart, cette mère n’ose rien dire de sa vie actuelle, de peur d’être retrouvée. « Ma vie est dédiée à ma fille, à notre survie. Ma vie personnelle, j’ai fait une croix dessus il y a bien longtemps. » 

Le conseil de son père, présumé innocent, dénonce une manipulation de la mère et pointe ses « dysfonctionnements psychiques », relevés dans une expertise recommandant de confier l’enfant à son père : « [Mme. X, la maman] projette un sentiment persécutif sur les services socio-éducatifs et un éventuel recadrage par ceux-ci apparaît plus qu’incertain. Ainsi le risque est grand qu’elle ne projette sur la petite [Anna] ce fonctionnement pathologique et que cette petite enfant ne se trouve, dès son plus jeune âge, en danger psychologique. » 

Le principe de la présomption d’innocence n’interdit pas d’entendre la parole de l’enfant. Il ne permet pas plus de mettre la mère en accusation.
18 minutes et 41 secondes qui autorisent le viol d’une enfant de 4 ans. !

Sources :
Une partie de l’article est rédigée sur la base de l’article d’Hugo Lemonnier
Inceste : des mères face au silence de la justice

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