Une mesure d’urgence sociale pour le 14 juillet 2022….non dématérialisée.

L’inaccessibilité numérique aux droits et aux ressources pour vivre.
Lors de la parution du rapport d’activité du Défenseur des droits sur l’exercice 2021 de l’institution,
Claire Hédon a souligné combien l’année 2021 avait été marquée par une forte augmentation des réclamations pour les citoyennes et citoyens d’accéder à une forme de « conversion d’accès à leurs droits » déjà reconnus ou bien devant l’être par le déploiement continu de la dématérialisation des documents administratifs alors reçus au domicile sur un support papier.*
Plus de 90 000 dossiers ont concerné les services publics. Absence de réponse, difficulté à joindre l’agent responsable du dossier, impossibilité de prendre un rendez-vous, formulaires uniquement en ligne, des centaines d’appels « pour son propre dossier » et l’accroissement des mécontentements, désoeuvrements et des moments d’anxiétés plurielles.
Ces dernières, anxiétés, ne sont-elles pas encore dématérialisées,mais elles peuvent devenir destructrices. Oui, elles le sont.
Comme le précise P.Mazet ** « A l’instar des pensées technicistes postulant que l’augmentation de l’équipement numérique générerait automatiquement une augmentation des usages, le développement de l’e-administration s’est déroulé comme si l’offre allait créer la demande, sans objectiver les exigences portées par l’administration numérique, sans tenir compte des capacités effectives des différents groupes sociaux à utiliser ce nouveau médium, et sans anticipation des effets sur le parcours d’accès aux droits ».
Alors qu’a pris fin la présidence française de l’Union européenne, la Commission européenne place la France au 19e rang sur les 27 pays de l'Union européenne pour l'accessibilité de ses services publics en ligne.
Les « usagers » usagés des services publics en ligne en France, confrontés à la dématérialisation de leurs dossiers administratifs qui conditionnent leurs droits et ressources, ne peuvent patienter et s’endormir durant les canicules sur la communication européenne intitulée «Une boussole numérique pour 2030 »***, la future création du centre AccessibleE de l’Union européenne voire patienter à découvrir le rapport sur la nouvelle stratégie européenne 2021-2030**** qui sera publié en 2031.
Des cibles qui ne sont pas que des hologrammes d’humains
Le nombre d’assurés n’ayant pas atteint l’âge légal de la retraite et bénéficiant d’une pension d’invalidité s’élevait à 820 000 fin 2017, en progression de 3 % par an en moyenne depuis 2011 (soit 2,3 points de plus que l’augmentation annuelle de la population active).
Pour 2017, les dépenses de prestations de l’ensemble des régimes de base avant l’âge légal de la retraite peuvent être estimées à 7,4 Md€ (10 Md€ couvertures complémentaires comprises). En tenant également compte des pensions servies au delà de l’âge légal de la retraite, elles dépassaient 11Md€ pour les régimes de base et plus de 13,5 Md€ avec les couvertures complémentaires, soit l’équivalent de 0,6 % du PIB.*****

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Je suis presque devenu un call-center, malgré moi.
Depuis quelques semaines, je suis presque submergé d’appels de personnes qui ont dû établir en ligne leur déclaration annuelle auprès de leur CPAM sur le sujet de leurs droits à reconduire pour le versement de leur pension d’invalidité.
Or s’il est avéré que je ne dispose pas des moyens technologiques idéaux pour des flux d’appels entrants qui pourraient laisser envisager de disposer de l’équipement d’une tulipe composée de quatre postes de téléconseillers embauchés par mes soins, les personnes qui perçoivent une pension d’invalidité soulignent :
-L’impossibilité de pouvoir rectifier la déclaration comme les services fiscaux le proposent par exemple,
-Un parcours d’explications selon les situations exposées sur les pages consultées proche de celui des combattantes et combattants contre les obstacles des inaccessibilités plurielles qu’elles soient physiques ou bien dématérialisées,
-L’enregistrement de la déclaration est impossible lorsque vous n’avez pu rien remplir par maladresse, erreur, alors que le bénéficiaire a « validé » la déclaration,
-Les messages de recommandations accessibles confirment l’impossibilité d’envoyer le format papier que tout le monde semblaient comprendre et suggèrent aux « usagers » usagés de faire valoir leur droit …..à l’erreur !
-Bien entendu, il est demandé aux « usagers » usagés de renvoyer tous les documents administratifs concernant leurs droits reconnus.
Partant du principe de la prise en compte des réalités vécues et subies par les « usagers » usagés, vous comprendrez aisément que je n’ai pu m’assurer de la mise en place d’indicateurs de l’efficacité de ces démarches distancielles avec une administration, bien que vous l’aurez très vite assimilé, ne pas pouvoir rectifier un document lié à vos droits oblige les citoyens…..à réutiliser une photocopieuse, un scanner, une imprimante, les 3 à la fois aussi.
Les citoyennes et citoyens qui m’ont appelé, m’ont également souligné qu’une invitation à la prise d’un rendez-vous est possible, mais « pas tous les transports sont accessibles monsieur ! Je fais comment ? ».
Afin de ne pas vous envahir de trop d’anxiétés inutiles à tenter de vous projeter constamment sur ces difficultés d’accessibilité, une information complémentaire qui m’a été à de nombreuses reprises soulignée :
« vous savez monsieur, je sais que vous n’y êtes pour rien (ce qui m’a rassuré), mais quand on les appelle ils sont injoignables et une boite vocale me dit que les agents s’occupent des gestions des arrêts maladie pour l’instant, donc voyez on n’est pas la priorité non plus. Et donc si je ne touche pas ma pension je vais vivre comment ?Je vais rembourser mon 1er ordinateur acheté par crédit-conso comment, alors que je l’avais aussi acheté pour ça ? »
Voici des illustrations de « recommandations « distancielles » :
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Proposition aux parlementaires de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Comme le rappelle P.Mazet : « les populations précaires sont surexposées, dans un phénomène qualifié de double, triple, voire quadruple peine, aux difficultés d’accès aux outils numériques, alors qu’elles sont déjà exposées à un cumul de difficultés sociales et fortement dépendantes des aides distribuées par les organismes sociaux. Si ce phénomène est clairement identifié, et assez régulièrement dénoncé, il demeure néanmoins à ce jour assez mal mesuré en tant que tel. ».
Avec une précision sur une absence malheureuse d’anticipation que la technologie permet pourtant :« Les données existantes se bornent le plus souvent à comptabiliser des connexions, sans pouvoir préciser qui a procédé à la manipulation, donc si le bénéficiaire du droit est autonome. ».
« Rappelons que la nouvelle norme d’autonomie numérique s’est imposée sans laisser le choix aux destinataires de l’offre publique, de décider de leur mode de communication et d’échange avec les administrations ».
Mesdames et messieurs les parlementaires est-il donc juste, équitable, selon les textes en vigueur, que des « usagers » usagés ne puissent accéder en ligne, à une rectification de leurs déclarations seraient-ils accompagnés ou pas par une tierce personne habituée à l’usage des outils numériques, aux relations avec les administrations injoignables ?
Pour mémoire, seules 39% des démarches sur les 242 incluses dans l’Observatoire de la qualité des démarches en ligne, seulement 16% d'entre-elles, sont à ce jour répertoriées « Prise en compte handicaps ».
En 2020 dèjà, lors de la parution d’un état des lieux de l’accessibilité des sites publics, la Direction Générale de la Cohésion Sociale ne souhaitait pas s’engager dans le pilotage des contrôles des déclarations de conformité argumentant que l’administration centrale a pour responsabilité d’élaborer la réglementation mais il n'est pas de son ressort de la faire appliquer.
Il sera d’ailleurs instructif de constater si madame Darrieusecq et monsieur Combe estimeront nécessaire de se reporter au décret du 24 juillet 2019 alors que monsieur Cédric O n’aura pu permettre aux « usagers » usagés des CPAM de disposer de conditions d’exercices de l’accès à leurs droits et à leurs ressources de façon plus sécurisée et accessible.
Mesdames, messieurs les parlementaires, le Défenseur des droits au nom d’un égal accès aux droits a demandé que lorsqu’une procédure est dématérialisée, une voie alternative – papier, téléphonique ou humaine – soit à chaque fois proposée. Dans le cas de la dématérialisation concernant les bénéficiaires d’une pension d’invalidité ce n’est pas le cas.
Instaurer une autorité de contrôle et sanctionner le défaut d'accessibilité dans le cadre de la création d’une instance liée à l’organisation territoriale, aux conseils d’administration des CPAM devient urgent.
L’évoquer et le proposer dès le 18 avril 2022 en urgence devrait être une action accessible, autant que l’individualisation de l’AAH, car la pension d’invalidité est individualisée mais défavorablement dématérialisée. Ce qui est illégal, pour près de 830.000 bénéficiaires usagés.
Pourriez-vous porter cette proposition très rapidement, car effectivement si le « dossier politique » est simple, accéder « à leur dossier » pour les « usagers » usagés ne l’est plus.
Ce qui appauvrit et tue la vie.
**rapport d’accompagnement scientifique du projet LabAccès 2019
*** l’Europe balise la décennie numérique» (COM(2021)011
**** https://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=738&langId=en&pubId=8376&furtherPubs=yes
*****Rapports Cour des Comptes & Drees