
Des cabinets de conseils en situations de handicaps ?
À ce jour, l’État ne dispose pas d’une vision agrégée suffisamment fiable et qualitative des dépenses de conseil engagées par les ministères et
des opérateurs.
Une commission d’enquête a remis récemment le rapport « Un phénomène tentaculaire :l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques ».(1)
Ses membres ont pu constater dès la première audition de Thierry Lambert, délégué interministériel à la transformation publique (DITP), qu’il n’existait pas, à sa connaissance, de consolidation des commandes de conseil au sein de l’État.
Le suivi de ces prestations de conseils s’inscrit presque exclusivement dans une logique budgétaire et comptable et non qualitative.

Au cours de la période 2018-2021, les ministères sociaux ont multiplié par vingt le montant de leurs dépenses de conseil en stratégie et
organisation, dans le contexte de la crise sanitaire.
Aux dépenses de conseil des ministères doivent s’ajouter celles des opérateurs, qui sont également importantes et croissantes.
Ces quelques constats furent déjà rédigés par la Cour des comptes en 2014.
Les dépenses de conseil des ministères ne représentent pas l’ensemble de celles engagées par l’État : les dépenses des opérateurs
n’y sont pas retracées.En effet, les opérateurs de l’État ne sont pas pleinement intégrés au processus de suivi budgétaire mis en œuvre par le logiciel Chorus.
Dans ces différents contextes, les mesures, les suivis et l’analyse des dépenses de conseils des opérateurs constituent une opération extrêmement complexe et que l’État ne met d’ailleurs pas en œuvre.

Le coût annuel lissé du recours à des cabinets de conseil par ces 44 opérateurs pourrait s’être élevé, au minimum, à 171,9 millions d’euros en 2021, en hausse de 100 millions d’euros par rapport à l’année 2018, l’usage du conditionnel demeurant opportun.
Les dépenses de conseil des opérateurs sont en réalité plus élevées : si la commission d’enquête a retenu ceux dont le budget était le
plus important, l’échantillon ne représente qu’environ 10 % du nombre d’opérateurs.

Un certain nombre de prestations sont servies sur plusieurs années, notamment dans le secteur informatique, le coût annuel retenu par la commission d’enquête correspond au coût renseigné par les opérateurs divisé par le nombre d’années.
En pratique, le véritable profil de décaissement des prestations peut laisser apparaître une plus forte concentration des paiements à certains moments de l’exécution du contrat.
« Come Fly with me », les communautés à 360° pour le handicap en lévitations,
des prestations en situation de handicaps?
En 2021, la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP) missionne Capgemini sur le projet « Communauté 360 », avec l’objectif de structurer un réseau de professionnels soutenant les parcours de vie des personnes en situation de handicap.
Ces travaux ont obtenu la note la plus basse : 1/5.
Ils ont été qualifiés par la DITP comme témoignant d’une « compréhension limitée du sujet », d’une « absence de rigueur sur le fond comme sur la forme » et d’une « valeur ajoutée quasi-nulle, contre-productive parfois, sauf pour une proposition de laboratoire d’innovation, de statuts juridiques et de systèmes d’information ».
La DITP souligne que les consultants n’ont pas été capables d’organiser un transfert de compétences, mais que ce sont « des personnes de bonne compagnie ».
La prestation de Capgemini sur la mise en place des communautés 360 pour les personnes
en situation de handicap a été entièrement réglée par la DITP (280 200 euros).
Elle a pourtant recueilli une note de 1/5, avec des lacunes majeures constatées chez les
consultants (« valeur ajoutée quasi-nulle, contre-productive parfois », etc.)
Le rapport relate : la DITP possède son propre dispositif d’évaluation des prestataires, comme l’a souligné M. Thierry Lambert : « à chaque mission, des évaluations très concrètes sont réalisées, avec une grille d’analyse qui permet de valider le service fait ».
Ces évaluations demeurent toutefois centrées sur l’exécution de la prestation et les livrables présentés.
Elles ne comportent aucune rubrique consacrée à l’impact concret de la prestation sur les politiques publiques.
À la connaissance de la commission d’enquête, la DITP n ’a pas appliqué de pénalité à ses consultants, y compris pour des prestations pourtant très décevantes.
La simplification de l’accès aux droits des personnes handicapées a également été concernée par des prestations (Capgemini et DITP, 2020, 370 608 euros).
Dans son avis du 19 novembre 2021, le Conseil National Consultatif des Personnes Handicapées relevait/révélait l’absence de remise du rapport sur les Communautés 360° avant de formuler son avis, une omission, diversion usuelle dans nombre de contextes.
Astuce opérationnelle, qui nous ferait penser, de temps en temps ou bien en même temps, aux « projets de délibérations » soumis aux différentes assemblées des Conseils Départementaux de la Citoyenneté et de l’Autonomie (CDCA) par nombre d’exécutifs départementaux, alors que ladite délibération a déjà fait l’objet d’un vote par l’assemblée départementale.
Stimuler les concurrences, les audits et l’innovation partenariale pour les confronter avec les réalités.
Le rapport « Un phénomène tentaculaire : l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques », qui relève quelques exemples des contrats signés avec les ministères, n’a évidemment pas pu disposer de suffisamment de ressources dans l’objectif de rendre transparents les résultats opérationnels effectifs dans les politiques publiques du handicap, de la perte d’autonomie dans le cadre des « partenariats coûteux » avec les cabinets et les opérateurs d’Etat.
Il est donc compréhensible, qu’en amont de discussions parlementaires, nous ayons des difficultés finalement assez inqualifiables quoique très accessibles « à mettre la main » sur des études d’impacts !
La déconjugalisation de l’AAH, les 20% « uniques » de l’accessibilité des logements, la refonte du système scolaire pour l’inclusivité des enfants en situations de handicap, la réforme de la prestation de compensation du handicap, l’inexistence d’un observatoire de l’accessibilité, la 5ème branche de l’autonomie dont seule la notion de convergences semble financée, rappellent combien il serait nécessaire de mettre en place une stratégie de formations professionnelles au bénéfice de l’acquisition des connaissances sur les politiques de l’autonomie, du handicap pour les personnes missionnées par les cabinets de conseils et les représentants des opérateurs d’Etat.
En effet, la connaissance des évaluations qualitatives des opérateurs d’Etat n’est pas disponible ou accessible, selon les humeurs ou frilosités partenariales.
Des simulations intégrées aux cahiers des charges seraient possibles pour les consultantes et consultants, telles :
-Se déplacer en fauteuil roulant sur des trottoirs avant de franchir une rue pour trouver un emploi ou conforter une mission,
-Ne pas pouvoir accéder à un logement pendant six mois puis vivre six autres mois dans un logement non adapté mais avec la réputation de pouvoir être un jour modulable,
-Apprendre la constitution d’un dossier MDPH pour des tiers en situation de polyhandicaps,
-Rendre accessibles tous les sites des administrations publiques,
-Trouver un accompagnement ou bien plusieurs pour un jeune adulte qui le souhaite,
-Réfléchir à la réforme des instances de démocratie sanitaire,
-Auditer les audits des cabinets de conseils spécialisés dans les Ad’AP,
-Etablir et rendre effective la planification de reportings trimestriels sur les nouveaux opérateurs privés s’inscrivant dans le secteur de l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap, qui mutualisent les stimulations des personnes (avec ou sans RSDAE),
-Imposer la déconjugalisation de l'AAH,
-Permettre le pilotage des politiques publiques dédiées par la livraison des statistiques ventilées demandée depuis 2006,
Vous l’aurez compris, la liste n’est pas exhaustive, restent à établir les tarifs.
Les rapporteurs ont tout de même eu leur attention attirée par des commentaires positifs concernant des évaluations sur les prestations, je retiendrai l’un d’entre-eux qui correspond à mon humeur optimiste du jour, mais non compensée :
« les membres des cabinets de conseils, sont des personnes de bonne compagnie ».
Les quelques champs des politiques du handicap, de l’autonomie, auraient-ils mérité d’un surcroît de contrats avec des cabinets de conseils, l’Assemblée des Départements de France disposerait-elle d’un bilan ?
Rapport :