François Rebsamen va encore communiquer ce soir sur Canal +. Pendant ce temps nous venons d'apprendre que la grève à Montpellier a été reconduite et ainsi que le tournage à Marseille de "plus belle la vie".
Communication et éléments de langage
Réponse à François Rebsamen
Grève à Montpellier, Actions nationales, Lettres demandant le non agrément, Molières, Questions au gouvernement à l’Assemblée Nationale. Les actions se multiplient et ciblent le gouvernement. Pour s’en sortir, les chargés en communication ont une idée par jour : avant-hier des assises de l’intermittence et une caisse pour les miséreux, hier la phrase de François Rebsamen : « Trois quarts des artistes ne sont pas concernés par la réforme et les plus précaires sont épargnés ».
Il nous faut encore répondre à ce mensonge.
Tout d’abord et de manière générale, il est pitoyable de voir que votre travail, monsieur le ministre, se borne à chercher des petites phrases pour essayer de sauver une situation. Quand la communication est au service de l’action, pourquoi pas. Là, il s’agit d’une communication ne reposant sur rien. On est dans le symbole qui symbolise le symbole qui symbolise rien. De manière générale, c’est effrayant et cela raconte beaucoup de ce qu’est l’action politique.
Comment faites-vous M. Rebsamen pour vous en sortir avec vos « trois quarts d’artistes pas concernés » ? Vous décidez de traiter simplement une toute petite partie du dossier (le nouveau différé d’indemnisation) et vous communiquez dessus.
Vous oubliez cependant de dire l’essentiel : le protocole de 2003 dont personne ne veut a été reconduit. Cet accord de 2003, vous le combattiez à juste titre il y a encore 3 mois. De fait il a entrainé 70 % de précarité supplémentaire (cf rapport Mathieu Grégoire).
D’où vient cette précarité ? Des très nombreuses ruptures de droits. En effet les intermittents indemnisés sont parfois 1, 2, 3 mois et plus sans aucune indemnité chômage pour ne les retrouver que plus tard.
Cet accord appelé Aillagon(ministre de la culture)/Fillon(ministre du travail) a fait l’objet de nombreuses études dont les conclusions peuvent se résumer ainsi : « Ce sont les exclus du régime qui financent les assedics des salariés à haut revenus ». Le grand scandale de cet accord n’est pas l’argent qui est dépensé, mais comment il est dépensé. Et tant que nous ne reviendrons pas à une principe redistributif avec date anniversaire, ce scandale perdurera. Cet accord a été dénoncé par tous les membres du gouvernement lorsqu’ils étaient dans l’opposition et vous le savez parfaitement. Dans la majorité, ces mêmes personnes vous incitent à valider un accord qu’ils dénonçaient. C’est pour le moins écoeurant. Mais François Hollande et Manuel Valls font pire, ils vous demandent d’agréer l’accord Aillagon/Fillon aggravé par deux mesures : une surcotisation de 2% qui va impacter très fortement les petites structures ET un nouveau différé d’indemnisation qui touchait 9 % des indemnisés et qui en concernera 47 %.
C’est uniquement ce dernier point, monsieur le communicant, que vous mettez en avant.
Vous pointez les artistes, regardez les statistiques et dites que 75% (les fameux trois quarts) de l’annexe 10 (artistes) seront épargnés par ce différé d’indemnisation. On pourrait déjà vous répondre que 25 % seront donc touchés alors qu’ils n’étaient que 3 % à être concernés jusqu’à présent. On pourrait aussi ajouter que plus de 50 % des techniciens seront touchés par cette nouvelle mesure contre 6% avant.
Je pourrais aussi vous dire que vos conseillers en petites fiches ne sont pas très bons. Vous devriez engager des gens qui connaissent mieux le dossier pour pouvoir encore mieux communiquer. Au lieu de parler du différé d’indemnisation, vos conseillers auraient dû vous faire communiquer sur le plafond de cumul salaire/indemnité tellement élevé qu’il ne touchera pratiquement personne.
Ainsi vous pourriez déclarer : MOINS D’1 % DES ARTISTES SONT CONCERNES PAR LA REFORME !
De plus quand vous n’êtes pas un communicant, vous êtes bien ministre du travail non ? Vous n’êtes donc pas ministre de la culture. On vous demande de vous prononcer sur ce nouvel accord dont les annexes 8 et 10 ne représentent qu’une toute petite partie et le plus petit nombre.
Au fait, et je m’adresse au ministre pas au communiquant, qu’y a t-il dans cet accord de si formidable ?
- Pour les intermittents c’est encore de la précarité supplémentaire due à la surcotisation et au nouveau différé d’indemnisation
- Pour les intérimaires, leur annexe 4 est vidée de son contenu. C’est pour eux une perte de 300 euros par mois en moyenne.
- Pour les autres chômeurs, ce sont des droits rechargeables synonymes de course aux petits boulots avec allocations de misère à la clé. C’est le rêve du Medef.
Pour l’ensemble de l’accord, ce sont 2 milliards d’euros d’économies en 3 ans sur le dos des chômeurs. Ces 2 milliards d’euros font partie du pacte de responsabilité signé conjointement par François Hollande, le Medef et la Cfdt.
En tant que ministre du travail et des affaires sociales, donc en tant que ministre garant des droits sociaux, nous vous demandons simplement de défendre les premiers concernés. Et si votre seul projet est de chercher des petites phrases, alors vous vendez votre âme au diable.
Pour rappel, il y a 9 millions de pauvres dans ce pays, 6 chômeurs sur 10 ne sont pas indemnisés.
Que vous faut-il de plus pour remplir votre mission ?
Vous avez été « indigné » par le molière de la trahison. Certes nous aurions pu remettre ce molière à tout le gouvernement tant la trahison est avérée. C’est un fait incontestable. Mais vous êtes en charge du dossier, vous avez donc le rôle principal.
Sur RTL le 4 juin, lendemain des molières, vous avez déclaré :
« On ne peut pas renier sa signature du jour au lendemain »
Nous y avons vu un espoir, un moment de lucidité.
Nous pensions évidemment que vous évoquiez votre signature du 9 mars dernier pour soutenir nos propositions alors que vous n’étiez pas encore ministre. Signature que vous avez, de fait, reniée du jour au lendemain dès votre promotion.
Non, vous parliez du Medef qui menace de se retirer du pacte de responsabilité.
Ah l’inconscient.
Quand vous vous exprimez sans petites fiches, quand vous oubliez les phrases à dire, vous êtes beaucoup plus intéressant.
Vous avez raison : ne pas renier sa signature c’est un bon début.
Je vous propose d’ajouter : ne pas renier sa parole, défendre les premiers concernés, agir en cohérence de ce que l’on défend, avoir un projet ambitieux, être un serviteur de l’état en quelque sorte. Et je vous assure que vous ne serez plus jamais nommé aux molières.
Samuel Churin
https://www.facebook.com/samuel.churin
----------