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Billet de blog 19 mai 2011

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Cruel destin ?

La radio parfois réserve d'heureuses surprises. La chronique de Julie Clarini sur France Culture, le mardi 17 mai, en était une. Elle revenait dans sa juste intervention sur l'invisibilité de la femme de chambre réduite, de par sa double qualité de femme et de migrante, à «se confondre totalement avec [sa] fonction, au point de disparaître aux yeux des autres comme individu».

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La radio parfois réserve d'heureuses surprises. La chronique de Julie Clarini sur France Culture, le mardi 17 mai, en était une. Elle revenait dans sa juste intervention sur l'invisibilité de la femme de chambre réduite, de par sa double qualité de femme et de migrante, à «se confondre totalement avec [sa] fonction, au point de disparaître aux yeux des autres comme individu». Comment ne pas s'indigner de la tâche de celle qui, tout autant qu'elle efface les traces du passage des clients, doit effacer les siennes. Allant jusqu'à l'abstraction faite de sa personne, et même du souvenir qu'elle laisse. Soumise qu'elle est à l'ingratitude des basses œuvres hôtelières et l'invisibilité des domesticités trotte-menu. Pour se voir cantonnée dans les marges du monde du travail, du monde tout court, dans la bande grise du social (http://blogs.mediapart.fr/blog/carine-fouteau/180511/femmes-de-chambre-exploitees-tous-les-etages).

Or les faits divers retentissants ne sont pas seulement l'occasion d'extraire, le temps d'un battage médiatique, ces « gens de peu » de leur insignifiance. Ils sont plus sournoisement le moment où sont flattées les vertus de leur retrait du monde, lorsqu'est saluée l'obligeance des employés subissant le régime du précariat. Une obligeance à la façon d'une servilité. Saluée pour mieux en taire les vicissitudes : ils sont des employés modèles pour des emplois modèles. En faisant valoir les états de service, on neutralise la question des conditions de travail. Comme si la lumière jetée sur une affaire donnait à voir la naturalité de son contexte. Et comme s'il ne s'agissait là que d'une effraction opérée dans un partage social entériné.

La lutte des sans-papiers, en France, a laissé voir ce qu'il en est de ce partage social : il est insupportable. Il n'a rien d'un « cruel destin », pour reprendre, à front renversé, les mots de Julie Clarini. Le destin est même ce que fuient chacun de ces hommes et femmes dévolus aux tâches subalternes : vigiles des riches enseignes, plongeurs dans les restaurants chics, bâtisseurs des tours dédiées aux fastes financiers, femmes de ménage œuvrant dans l'abandon des chambres éventées... Leur compagnie le fait entendre, l'envers des vies conduites à leur escamotage le montre : ils ne cherchent pas moins que d'autres à se soustraire aux injonctions de l'ordre dominant, la volonté d'émancipation ne leur est pas étrangère. Elle est même pour certains une raison de vivre. Mais elle a pour tort de contrevenir à des impératifs politiques orientés vers l'atomisation du commun, sous l'apparat sécuritaire, la pression des chefs et le clinquant des positions enviées.

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