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Billet de blog 4 septembre 2024

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Sur la « directeurdecabinetisation » du poste de premier ministre

Depuis 7 ans, une dérive qui ramène le premier ministre à un rôle d’exécutant déséquilibre tout l’édifice démocratique. Là, nous sommes en train d’atteindre un point co(s)mique : le président de la République cherche donc un premier ministre-directeur de cabinet, mais d’opposition…

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Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

Une petite réflexion un peu périphérique sur ce qui arrive au gouvernement… et notamment, sur une grave erreur du Président : la directeurdecabinetisation du poste de Premier ministre.

D'abord, un petit rappel pour ceux qui ne savent pas bien ce qu’est un·e directeur·rice de cabinet. C’est la tour de contrôle politico-administrative d’un responsable exécutif (président, ministre, maire…). Son rôle est d’articuler les orientations politiques et le travail de l’administration.

Il gère aussi le travail de tous les membres du cabinet, représente son élu·e dans des réunions ou des rencontres diverses, mais il doit toujours référer à l’élu. Il est choisi par lui ou elle. C’est LA personne de confiance hyper stratégique, un bras droit.

Quand Edouard Philippe est nommé en 2017, une petite info passe presque inaperçue : un grand nombre de conseillers de cabinet seront communs entre l’Elysée et Matignon. Efficacité, fluidité, modernité, tout le « wording » du nouveau monde y est. Voir cet article de 2018

Mais la réalité transparaît dans l’article cité : il s’agit de fliquer le premier ministre. D’ailleurs, dès que ce dernier commencera à vouloir exister et ne pas être qu’un exécutant, il sera remplacé par Jean Castex. Là on raconte l’élu local et l’accent du Sud Ouest, la réalité est qu’il a été directeur de cabinet de plusieurs ministres et même secrétaire général de l’Élysée, donc il endosse sans peine ce rôle de premier ministre-directeur de cabinet, collaborateur éclairé du président, mais collaborateur dans l’âme et dans les faits.

Il a d’ailleurs poursuivi sa carrière à la tête de la RATP comme un serviteur de l’Etat que son parcours prouve.

Rebelote avec Elisabeth Borne, plus d’histoire de petite élue locale, c’est une Préfète, au service de la République donc, et en ce qui la concerne, avec intelligence et talent.

C’est d’ailleurs quand elle se piquera « d’avoir un avis », et de commencer à faire de la politique en laissant devenir public qu’elle a manifesté certains désaccords, qu’Emmanuel Macron optera pour Gabriel Attal, qui a derrière lui une carrière d’assistant parlementaire et de collaborateur de cabinet avant de devenir ministre.

Même histoire. Celui qui aurait dû rester à sa place selon le président a commencé d’user de ses prérogatives de premier ministre (qui sont très vastes, j’y reviendrai) et à avoir une existence médiatique autonome la sanction n’a donc pas tardé. Il sera un des plus brefs Premiers ministres de la Veme République. Raccourcissons les épisodes : dissolution, élections législatives avec deux leçons : un désaveu ferme de la politique du Président de la République et une mobilisation massive contre l’arrivée de l’extrême droite au pouvoir, et une situation : aucun groupe n’a de majorité absolue à l’Assemblée.

Le président a joué de cette situation de blocage en faisant mine de concerter, mais la réalité est… qu’il fait passer des entretiens de recrutement (avec une utilisation légèrement toxique de la publicité d’iceux). Il pose ses conditions, et soumet des personnes à une sorte de grand oral. Ce qu’il a fait avec Lucie Castets est d’ailleurs un modèle du genre. Alors même qu’il avait délibérément exclu de la nommer, tous les témoins ont raconté qu’il l’avait bombardée de questions, auxquelles ils disent d’ailleurs qu’elle avait répondu brillamment.

Mais au fond, c’est totalement inadéquat. Il ne s’agit pas de recruter un collaborateur mais de créer un tandem politique avec un premier ministre capable de travailler avec les parlementaires, parce que le seul qui est responsable devant le Parlement, c’est le premier ministre. Son gouvernement peut être censuré. À froid, ou après l’engagement de sa responsabilité via le 49.3. Le président n’est pas dans ce cas. Et d’ailleurs, c’est le gouvernement et le premier ministre qui ont le pouvoir très large de gouverner, pas le président.

Dans le fonctionnement gouvernemental, les « bleus » ces documents qui actent une décision sont sous la responsabilité de Matignon et les réunions d’arbitrages interministériels se font sous l’égide de Matignon. L’autorité du président provient essentiellement du fait que les député·es lui "doivent" son élection et qu’il a une majorité qualifiée. C’est donc un pouvoir moral bien plus que formel. Si le premier ministre veut exercer pleinement ses prérogatives, le président a un rôle résiduel.

Après ces 7 ans d’expérience, il me semble que cette dérive qui ramène le premier ministre à un rôle d’exécutant est une grave erreur. Les tensions et les rapports de force sont sains en politique, ils permettent de doser ce qui est acceptable ou non pour un pays. Lorsqu’une personne, même élue au suffrage universel gouverne par caprice basé sur son confort et sa seule analyse, il déséquilibre tout l’édifice démocratique. Là, nous sommes en train d’atteindre un point co(s)mique : le président de la République cherche donc un premier ministre-directeur de cabinet, mais d’opposition…

Il est donc à la recherche d’un mec (ça, on a remarqué !) qui serait un opposant MAIS qui lui obéirait en tous points. ce n’est plus la recherche d'un premier ministre, mais la chasse au Dahu et donc… ça peut durer longtemps.

Cela pourrait être cocasse ou un peu ridicule s’il n’y avait pas la France en jeu dans cette histoire.

La période que nous vivons devrait peut-être obliger tous à retrouver « le vieux style », celui du sens de l’Etat et de la grandeur de la politique, celui de la sincérité. 

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