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Cecilia Suzzoni

Professeur honoraire de chaire supérieure au lycée Henri IV. Fondatrice et présidente d'honneur de l'Association ALLE, le latin dans les littératures européennes www.sitealle.com

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Billet de blog 13 février 2013

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"Plus belle la vie!"

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Toujours aussi accablant de devoir constater le succès, durable,  de ce feuilleton: je me demande, avec maintenant le recul du temps, s'il ne constitue  pas le symptôme clef de cette médiocrité culturelle dans laquelle s'enfonce doucement la France, avec deux Présidences, en la matière,  à l'unisson, hélas! A remarquer seulement, pour compléter le billet qui suit, écrit il y a maintenat  plus de deux ans,  le devenir de plus en plus infantilisantet caricatural  de l'intrigue, le jeu toujours aussi pathétiquement "improvisé" d'acteurs que l'on regarde vieillir laborieusement- quel courage!-, et la constance avec laquelle enfants, adolescents, parents, professeurs, proviseur, s'emploient à donner de l'école l'image la plus niaise que l'on puisse imaginer...Ne pourrait -on pas  imaginer une plainte déposée pour atteinte à la dignité , éthique et esthétique,  du spectateur?...

  Le feuilleton "Plus belle la vie", objet d'un essai à venir, nous est présenté dans le supplément Télévisions du journal Le Monde du 10/11 février 2013, comme un "rendez-vous fédérateur", un programme "qui vante le vivre-ensemble, le métissage ainsi que la liberté des moeurs". La preuve de cette belle santé humaniste, et la chose est répétée deux fois dans l'article -l'argument se voudrait-il intimidant?-, il est haï par "la presse d'extrême droite, néonazie ou islamique radicale". Diable!!nous voilà en bien mauvaise compagnie! Alors, comment sortir de ce piège piteux en disant cependant tout le mal que nous pensons de cet exécrable feuilleton (qui, si je me souviens bien avait, d'entrée de jeu, suscité les plus vives réserves du cinéaste Laurent Cantet).

En prenant tout bonnement l'exact contrepied de l'argumentation avancée: ce n'est pas parce que ce programme "bouscule le consensus mou des séries pétries de bons sentiments" et qu'il "ose surprendre et provoquer la ménagère de 50 ans" qu'il connaît le succès; c'est, bien au contraire, parce qu'il s'empresse de conforter, banaliser, de la façon un politiquement correct dont la fausse audace ne prend aucun risque. Montrer à une heure de grande écoute deux homosexuels s'embrasser gentiment sur la bouche, ou une interruption volontaire de grossesse ou tel autre fait sociétal, se veut pathétiquement et platement conforme à l'air du temps. D'autant que toutes ces vilaines incartades font délicieusement fi de toute trace de lutte des classes: le garçon de café partage ses amours avec le professeur de médecine, pendant que le procureur de la république vit un amour de midinette avec l'effrontée de la bande; et l'on nous promet pour la Saint Valentin un vent de folie où tout le mode couchera avec tout le monde (un petit air de déjà vu...). Voilà qui ne plaît sans doute pas aux défenseurs de l'ordre moral, mais pas davantage à ceux qui sont un petit peu accablés devant une absence aussi rare, vertigineuse, de distance "épique", si l'on peut se permettre une timide allusion à Brecht, sans paraître cuistre (Après tout les auteurs n'invitent-ils pas l'Université à s'emparer de" Plus belle la vie" comme objet d'étude?). Car ce feuilleton, entre autres infractions cocasses au vraisemblable -on est atterré de le voir définir par son "ancrage dans le réel"-, témoigne d'un traitement on ne peut plus naïf, et donc aliénant, du rapport réalité/fiction. Sans parler de la mythologie la plus éculée, la plus prévisible , quand il s'agit de l'école, "chiante" comme il se doit ! Mais la professeure, last but not the least dans cet ocean de niaiseries, écrit un best seller, dans lequel elle règle ses comptes avec sa fille à qui elle a piqué son amant: récit de vie oblige...

La qualité esthétique de" Plus belle la vie"? L'article en question ne pousse quand même pas le zèle jusqu'à en signaler la trace, mais enfin, dans ce domaine aussi, l'absence totale de la moindre performance est accablante. Alors , ce succès? Doit- on se résoudre à l'attribuer à la baisse d'exignece artistique et idéologique des spectateurs? Dans les paramètres avancés très sérieusement pour justifier le succès de PBLV ( le réel, le vivre ensemble, la libération des moeurs), est curieusement passée sous silence l'extraordinaire promotion de communication dont ce feuilleton bénéficie, en direction en particulier des "jeunes", cette catégorie d'âge condamnée à ne plus vieillir...

On peut se consoler en évoquant d'autres séries qui ont connu ou connaissent un succès plus mérité: "Un gars et une fille", "Caméra caché"; et ils sont nombreux les adolescenst , un peu moins niais que ceux dont ce feuilleton promeut l'image, scotchés le soir, à la même heure, sur "Scènes de ménage", dont on peut souligner l'inventivité, l'esthétique de BD, servies de surcroît par d'excellents acteurs. Je ne crois pas que les "méchants islamistes" apprécient davantage la fantaisie de" Scènes de ménage"; au moins auraient-ils de sérieuses raisons de s'inquiéter de ces scènes de la déraison ordinaire qui savent allier souvent efficacité,  humour et dérision,  là où" Plus belle la vie" nous offre, avec leur accent improbable, des visages qui ressemblent de plus en plus à des figures mal finies de musée Grévin.

Tout cela n'est pas bien grave, mais , quand même, il est humiliant de lire la promoton d'un feuilleton aussi détestablement médiocre, et pour de si méchantes raisons. Si son succès doit alerter (et pourquoi pas, inquiéter) les historiens et les philosophes, et bien qu'ls se montrent et nous en donnent de "bonnes", et pas forcément "rassurantes" raisons. 

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