Il y a des syntagmes figés qui laissent rêveurs... Ainsi de l 'expression martiale de Laurent Fabius,"Nous voulons aller jusqu'au bout", à propos de la"fermeté" affichée par la France dans les négociations sur le nucléaire avec l'Iran. D'autant qu'elle est précédée d'une autre affirmation "Nous voulons la paix", une expression que l'on n'associe pas d'habitude au "jusqu'auboutisme", putôt riche d'une connatation guerrière... On aurait envie de reprendre à son compte la mélancolique (et malicieuse) réplique du baron de Charlus, dans Le temps retrouvé, excédé par le trop fameux slogan belliciste on ira jusqu'au bout : "-Jusqu'au bout! Si on savait seulement jusqu'à quel bout!" .
Le débat autour de cette question, ce matin dans l'émission Esprit public, témoignait également, entre autres propos étrangement contradictoires, d'une argumentation aussi évasive que cette "rationnalité" prêtée complaisamment à la politique étrangère de la France, félicitée , en substance, de ne pas se "laisser rouler dans la farine", par le nouveau président iranien. La palme, si l'on peut dire, du sophisme , revenant à cet inénarrable raisonnement de Thierry Pech: "ça fait des années qu'on impose des sanctions économiques...Ils sont prêts à céder des choses...On ne va pas bâcler l'affaire...". Autrement dit, la stratégie avancée jusqu'ici, à savoir qu'il fallait faire pression sur les Iraniens de manière à obtenir des résultats dans ce domaine du nucléaire, serait invalidée dans le moment même où - et parce que - elle commence à obtenir des résultats! Cherchez l'erreur...Enfin, je dis l'erreur, mais peut-être n'y a t-il dans cette gêne discursive, partagée par les débatteurs, que l'aveu, cyniquement entériné pour sa part par Eric Le Boucher, que de toutes façons, "on ne va pas faire confiance" à un président iranien, donnât-il les marques d'une modération que l'on se promettait pourtant d'applaudir, si d'aventure il devait en faire montre...En somme nos journalistes, et notre ministre des affaires étrangères , voudraient pouvoir "sonder le coeur" du nouveau Président iranien; piètre prétexte pour ne pas avoir à se prononcer sur ce qui devrait pourtant les émouvoir: au nom de quoi la France ne mettrait pas son autorité, toute son autorité, et son indépendance - quitte à ne pas "faire cavalier seul"...- , à soutenir un processus de paix avec un pays qui est le seul, dans cette région, à avoir signé le traité de non prolifération des armes nucléaires...Signature qui était justement censée lui donner l'autorisation de faire des recherches dans le domaine de l'enrichissement de l'uranium...Comprenne qui voudra!