Quelques remarques suite à la dernière émission d'Alain Finkielkraut, Paranoïa politique, qui recevait ses invités sur le sujet, entre autres, de la théorie du complot. Ce dont il a été question était certes intéressant et les exemples ne manquent pas dans le passé de ces croyances extravagantes qui emportent l'adhésion massive de franges importantes de la population: Internet mettant désormais ses lourds moyens au service de ces paranoïas collectives.
Mais puisqu'il a été question du souci qu'aurait manifesté François Furet , dans sa relecture de la Révolution française, de démystifier les "illusions politiques" de ses acteurs, et donc de l'intrumentalisation politique de la théorie du complot, je m'étonne qu'évoquant la paranoïa dont ferait preuve Noam Chomsky en incriminant tous les maux de la planète à l'empire américain, pas un mot n'ait été rappelé des mensonges d'état de la même puissance américaine pour accréditer la théorie du complot irakien: Collin Powell, secrétaire d'état américain brandissant à la tribune des Nations unies une fiole contenant un produit avec lequel Saddam Hussein était censé avoir le noir dessein de détruire la planète...Et la responsabilité écrasante , entre autres mensonges, de ces images sur le déclenchement d'une guerre qui allait se révéler à ce point meutrière , jusqu' à aujourd'hui. Comme si, s'agissant pourtant de l'actualité immédiate et des énormes moyens dont disposent de fait les états forts, avec leur complexe militaire, nous étions à l'abri de toute manipulation, comme si la frontière n'était pas particulièrement mince entre théorie du complot et mensonges d'état, ces mensonges dont le but est bien d'alimenter une propagande d'autant plus sournoise qu'elle surfe sur un consensus rarement remis en cause . Certes, nous savons presque toujours, après coup, qu'il y a eu mensonge, manipulation, du geste indécent de Powell au faux témoignage honteux de cette jeune koweitienne évoquant les forces militaires irakiennes arrachant les bébés à leurs couveuses... ( témoignage relayé à la télévision française elle -même, et sans doute de bonne foi, par le geste de notre actuel ministre des affaires extérieures: qui s'en souvient? ) . Pour autant, sommes -nous aujourd'hui davantage alertés, avons -nous pour autant les yeux dessillés sur les menaces censées être imminentes, elles aussi , de l'arme chimique syrienne, ou le dessin de Netanyahou, de la bombe iranienne, complaisamment exhibé lui aussi à la tribune des Nations Unies ?
Bref, l'on reste toujours étonné devant la capacité de nos débatteurs à cette forme d'amnésie devant non pas des manifestations de paranoïa politique, mais bien des manipulations, graves, concertées, devant lesquelles la théorie du complot dont se rendrait coupable "la folie Chomsky" apparaît seulement, à l'aune de la stricte réalité, comme une forme élémentaire de lucidité!