A propos 'un article de Tzvétan Todorov

Le récent article de Tzvétan Todorov dans Le Monde du 18 septembre 2012 - Le charme étrange de la guerre- était bienvenu et courageux. Il me semble qu'on peut, qu'on doit aller plus loin dans la dénonciation d'un certain nouveau style de reportage qui joue avec une complaisance, que l'on veut bien croire inconsciente, d'une étonnante mythologisation dans la mise en scène narrative des acteurs du conflit. Cette nouvelle rhétorique journalistique fait la part belle aux seuls "rebelles" de l'ASL: le ton en empathie du "narrateur reporter" a beau jeu de mettre au compte des "méchants" ce que cette guerre a d'atroce pour les uns et les autres, comme si celui qu'il est convenu d'appeler aujourd'hui "le boucher de Damas"-auquel hier la communauté européenne faisait les yeux doux- ne pouvait pas compter sur la fidélité banalement pathétique de ses troupes, comme si, surtout, les enjeux de cette guerre n'étaient pas un peu plus complexes qu'il y paraît à lire ces comptes rendus qui rappellent  étrangement  parfois la rhétorique des journaux de propagande de la Première Guerre Mondiale! Plus gravement la tonalité volontiers épique adoptée dans le récit des témoignages est propre à noyer la présence, élémentaire, de conditionnels, dont la fréquence devrait pourtant alerter sur la "réalité objective" , difficile à évaluer, des faits rapportés. Les lendemains de la guerre en Irak, si cruellement contraires à la griserie insufflée par tant de discours et récits qui nous sommaient de choisir le "bon" camp, les exécutions peu glorieuses pour ceux qui les ont programmées, de Saddam Hussein, de Kadhafi, demain peut-être celle de Bachar El Assad- le souvenir piteux de l'exécution sommaire du couple Ceaucescu, il n'y a pas si longtemps...-, devraient pourtant inciter les journalistes à plus de distance, de pudeur, dans la relation de conflits dont la lisibilité reste pour le moins problématique; à moins que, plus sournoisement, on veuille préparer le lecteur à foncer demain tête baissée dans de nouveaux conflits à la clarté tout aussi improbable...