Cecilia Suzzoni (avatar)

Cecilia Suzzoni

Professeur honoraire de chaire supérieure au lycée Henri IV. Fondatrice et présidente d'honneur de l'Association ALLE, le latin dans les littératures européennes www.sitealle.com

Abonné·e de Mediapart

22 Billets

0 Édition

Billet de blog 28 mai 2013

Cecilia Suzzoni (avatar)

Cecilia Suzzoni

Professeur honoraire de chaire supérieure au lycée Henri IV. Fondatrice et présidente d'honneur de l'Association ALLE, le latin dans les littératures européennes www.sitealle.com

Abonné·e de Mediapart

De quelques malentendus ?

Cecilia Suzzoni (avatar)

Cecilia Suzzoni

Professeur honoraire de chaire supérieure au lycée Henri IV. Fondatrice et présidente d'honneur de l'Association ALLE, le latin dans les littératures européennes www.sitealle.com

Abonné·e de Mediapart

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.

C'est proprement inquiétant pour un esprit libre de voir comment l'aticle de Nancy Huston (Le Monde), a sévèrement été  "corrigé", caricaturé, renvoyé aux poubelles de l'histoire ("retour de la sacralisation du biologique") par l'arrogance dogmatique de Caroline Fourest (France Culture), sans qu'aucun journaliste sur le plateau ait eu le courage de souligner les enfantillages de son  éloge de l'opposition nature/culture que les rédacteurs de l'article en question ne songeaient évidemment pas à remettre en question! Ainsi , désormais, la théorie  du genre et de la filiation sociale se brandit sans nuance comme un argument d'autorité. Qui, d'ailleurs, a jamais eu l'idée saugrenue de réduire la filiation au biologique? A se donner des adversaires aussi niaisement méchants et grossiers- le "nazillon" pointerait derrrière Nancy Huston qui roulerait pour la "sacralistion du biologique"! ! - on évite à peu de frais  de rentrer dans le sérieux du débat . Rapidement devenue la "tarte à la crème" médiatique, la "théorie des genres"  dicte tranquillement ses lois au mépris de toute analyse un peu complexe des réalités.

Ne nous interdisons pas cette remarque de bon sens: quel naïf paralogisme de refuser le "destin biologique"  de la différence sexuelle pour la faire revenir sous la forme symbolique des "pôles masculin et féminin": car enfin , d'où les sort-on ces notions de masculin et de féminin, de quel "chapeau " de presdidigitateur ? Et pourtant, les homosexuels ne s'y trompent pas, sont même les premiers à ne pas s'y tromper,  comme tout à chacun. C'est bien la peine de les chasser, et avec quel dogmatisme pompeux, par la porte pour les voir revenir en force par la fenêtre...Voir avec quelle naïveté tout à la fois touchante et accablante de sottise le feuilleton "Plus belle la vie" met en scène la répartition des rôles, et ce de la façon la plus étroitement "ancestrale": l'un, ou plutôt "l'une", qui veut le mariage, qui en rêve comme une midinette, l'autre qui s'en méfie d'abord.... 

Il y a des confusions, sinon des contradictions qu'on aimerait voir relever: tantôt, dans tel argumentaire,  c'est la nature que l'on incrimine comme obstacle "ringard"et réactionnaire au libre épanouissement d'une sexualité responsable,  humaine, en mouvement dans l'histoire,  qui se choisit comme telle,qui s"élève", nous dit Caroline Fourest au dessus du "végétal";  tantôt -voir les désopilants petits scénarios d'Isabella Rossellini, cette nature est le lieu même  de toutes les joyeuses perversions sexuelles -"Tous nos fantasmes sexuels sont dans la nature"-; mais  alors ce serait justement le propre des sociétés humaines d'apporter un peu d'ordre, de convention  dans la sexualité; et de fait, si le mariage revêt des formes différentes dans les sociétés, il n'est pas niable que ces mêmes sociétés ont toujours très soigneusement veillé à "règlementer ", "surveiller" la sphère  sexuelle dans son rapport à la procréation; oui, ici la convention entre en jeu, et le mariage entre un homme et une femme, forme majoritairement choisie par les sociétés, quels qu'en soient les rites et les protocoles,  n'apparaît pas comme le dispositif le plus absurde...surtout si l'on veut bien ne pas confondre  droit positif et droit naturel .

Peut-être aussi faudrait-il s'interroger sur le coup de force sémantique à continuer à appeler mariage l'union entre deux personnes du même sexe (qu'il s'agisse de deux femmes, pour le mot français, ou de deux hommes, pour le mot italien, matrimonio ). Il est vrai que ce que George Steiner appelle "la grande retraite du mot" fait de tels ravages que ce souci, qu'on pourrait  trouver élémentaire, salutaire, a de quoi faire sourire! Pourtant si la nouvelle définition du mariage va à ce point à l'encontre de  l'étymologie du mot -mas, maris, mâle, pour l'etumon latin du mot français, mater, pour l'etumon latin du mot italien, pourquoi ne pas courageusement proposer un autre terme, désormais plus adéquat à ce nouveau, audacieux "montage symbolique"?  Un terme qui, bien sûr-respect de la nouvelle loi oblige-, engloberait mariage gay et mariage hétero-Quant on fait à ce point injure à l"étymologie, on peut au moins évoquer la question: je n'ai pas souvenir que le moindre débat médiatique en ait fait mention (on en trouve en revanche des traces intéressantes sur la toile) .

Dans tous les cas qu'on n'aille pas incriminer  "la sacralisation du biologique" brandie étoudiment par Caroline Fourest,  car quelles que soient les options idéologiques des adversaires du mariage gay, et plus encore de la théorie du genre, c'est justement contre la nature, le biologique, lieu d'un anti-conformisme capricieusement  débridé, qu'ils protestent...Et l'on comprend que certains, parmi les plus borderline de notre société, soient atterrés  de cette regression qui consiste à parodier, pour se les approprier , les formes les plus "ringardes" du mariage traditionnel, jusqu'à la pièce montée...:    

 Si, et puisque nous reconnaissons la différence des sexes, si, et puisque nous savons et reconnaissons la plasticité de l'orientation sexuelle, laquelle peut se "jouer" , se fixer très vite, c'est la majorité des cas,  ou se "faire ",  au gré de tel ou tel avatar de la socialisation, où Caroline Fourest , sinon à en rester au niveau de l'encéphalogramme plat des vrais intégrismes, va - t- elle chercher les arguments d'une croisade contre un texte qui, loin de vouloir nous fixer au "végétal",  manifeste avec courage et lucidité sa méfiance intellectuelle devant les formes que revêt un nouvel ordre moral , en l'occurrence pas moins redoutable que l'ancien...Mais peut-être est -il déjà trop tard pour réagir devant cette nouvelle Inquisition, car à l'instar du lièvre de la Fable, "J'aurai beau protester, mon dire et mes raisons/ Iront aux Petites Maisons"...  

Ce blog est personnel, la rédaction n’est pas à l’origine de ses contenus.