A propos de "Sortir du cauchemar français" : ce qui m'indigne dans la tribune de Romain Goupil dans Le Monde des dimanche 27 / mardi 28 octobre, ce n'est pas , évidemment, qu'il plaide, dans une leçon de lyrisme d'ailleurs d'une affligeante banalité, pour l'accueil des réfugiés, mais que cette leçon vienne d'un personnage qui tente ainsi d'escamoter sa lamentable responsabilité morale, intellectuelle et politique dans la généalogie des tragédies qui se déroulent sous nos yeux. Ces sursauts d'indignation de la part de ceux qui ont appelé , et avec quelle sotte arrogance , à "délivrer Bagdad" , se réjouissant au nom de "la haine des tyrans" de les voir ignoblement mourir, sont insupportables. D'autant que , ne nous y trompons pas, il y a derrnière ces indignations sélectives, la petite antienne de rigueur, celle qui , dans la détestation qu'on essaie de distiller à l'encontre du prochain homme à abattre, Poutine, veut faire entendre qu'il n'y aurait pas de solution dans une sage diplomatie, celle dont rêve peut-être pourtant une société civile syrienne qui n'avait pas vocation à prendre la route de l'exil. Car enfin, a-t-on interrogé ces refugiés qui fuient en effet les bombes, toutes les bombes, qui vivaient dans leurs maisons, envoyaient leurs enfants à l'école, occupaient des fonctions officielles, comme cet homme décapité, le Directeur du site archéologique de Palmyre, et qui, que je sache, ne fuyait pas les geôles de Bachar Al Assad, ce qui , à l'instar d'autres citoyens lambda, ne faisait pas de lui un "collaborateur"...Mais il il semble que désormais sous la plume de bien des journalistes, les mêmes qui se sont accommodés de voir le tyran parader sous leurs yeux, quand on le jugeait fréquentable, reviennent, comme un couplet obligé, des mots brandis sans vergogne, Assad le sanguinaire, Assad le boucher de Damas , et maintenant Poutine et sa diabolique psychologie dont les tortueux ménandres échapperaient à ces subtils esprits qui se perdent en conjectures: Que veut Poutine en Syrie? ... Et voilà qu'on semble même ignorer que Poutine et la Syrie , sur l'échiquier international, c'est quand même une vieille histoire...Certes, Mélenchon et Régis Debray ont bien raison de stigmatiser, dans le paysage actuel, l'ignorance du "temps long", et Jean- François Khan dans ces mêmes pages du Monde de mettre en garde contre l'usage par trop commode du mot "dérive".
Oui, ne nous y trompons pas : ne nous laissons pas impressionner par ce langage de "cuir et de carton" qui voudrait nous aveugler sur nos responsabilités écrasantes dans les tragédies qui se déroulent sous nos yeux, sous couleur d'un verbiage qui ne mange pas de pain, et restons ferme sur nos positions : refusons de voir rabaisser la solidarité élémentaire avec les Palestiniens au rang d'un "mysticisme " irresponsable et coupable, comme s'y emploient Taguieff, dans une autre tribune du Monde, et, plus tristement, Kertésh, dans son dernier "roman". Refusons les impostures, toutes les impostures: il y a non seulement une prudence politique, mais aussi une pudeur morale et intellectuelle que l'on peut, que l'on doit tirer de l'histoire .