Si l’on vous dit « autisme », l’image qui vous vient en tête est probablement celle d’un enfant, souvent en bas-âge, et une mère, souvent désemparée. Puis celle d’une institution qui va le sauver en le tenant loin de tout. La représentation médiatique de l’autisme et des personnes avec autisme souffre de ce regard biaisé qui exclut d’emblée le devenir des adules. Et donc leur non-intégration (ou leur intégration difficile) dans la société.
Ce 2 avril, journée de sensibilisation à l’autisme, certains d'entre eux prendront la parole sur le compte Twitter @RadioAutiste. Il n’est pas question de nier les problèmes rencontrés par les parents pour leurs enfants avec autisme. En France, ces problèmes sont nombreux. La méconnaissance de l’autisme est un fléau qui ferme les portes des écoles, prive de toute éducation, interdit de trouver les bons professionnels et conduit à des placements et des enfermements parfaitement indignes.
« Le monde aime ce qui est simple »
Mais Josef Schovanec(*) rappelle aussi : « Derrière chaque petit enfant, il y a souvent des parents très investis. Quand vous vieillissez, plus personne ne s’intéresse à vous ni ne se préoccupe de ce qui vous arrive. Vous pouvez être interné, emprisonné, abusé, sans que ça n’inquiète personne. »
Les médias donneraient-ils trop la parole aux parents d’enfants avec autisme qu’aux adultes avec autisme ? Sans doute. Parce que ce serait plus simple. « Le monde aime ce qui est simple. Même simplifié à outrance, regrette Josef Schovanec. L’enfant dans les bras de sa mère, ça l’est. L’adulte à qui l’on n’a donné aucune formation et que l’on a assommé de cachets et enfermé en institution pendant des années, c’est plus compliqué de le regarder en face et de lui dire que l’on n’a rien d’autre à lui proposer que de continuer cette vie-là. »
Pendant que nous -journalistes- interrogeons les politiques sur le nombre de places qu’ils ne créent pas dans des institutions peu compétentes, les personnes avec autisme rêvent d’autre chose. Vivre le plus normalement possible. Pendant que nous caricaturons le combat des parents dont les enfants n’ont pas accès à l’école ou aux professionnels capables de les aider, nous oublions que ce combat n’est pas celui de l’immédiat mais qu’il prépare l’avenir. De ces adultes que nous ne voyons pas, à qui nous ne tendons pas le micro.
Les médias fabriqueraient-ils une image idéale d’une institution idéale qui accueillerait les personnes avec autisme ? Sans doute. Parce que l’institutionnalisation serait confortable : elle fait partie de notre rejet de la différence. Charles Gardou soulignait, en 2013 aux Assises nationales des signataires de la Charte handicap : « Dans la plupart des cultures, la même tentation perdure : placer ces personnes spéciales dans des lieux spéciaux sous la responsabilité de spécialistes. »
L’institutionnalisation n’est pas la solution
Pourtant, à l’étranger, ce qui fonctionne et ce qui attire les familles françaises qui ont les moyens d’y aller, ce n’est pas l’institutionnalisation. C’est l’intégration.
Comment imaginer que nous pourrions et aurions intérêt à éloigner de la société une personne sur cent ? Nous ne pouvons pas continuer à espérer cette vie-là pour les enfants avec autisme, qui conduit nécessairement à la même vie lorsqu’ils deviennent adultes (et est une atteinte aux droits des personnes). Pendant que nous interrogeons les politiques sur ce qu’ils aimeraient construire pour parquer loin de nous les personnes avec autisme, nous laissons tomber ces mêmes personnes.
Non, une personne avec autisme n’est pas un enfant de 3 ans qui attend une place en institution. Une personne avec autisme est... une personne. Qui aspire à une vie comme celle de tous les autres. A l’école, en formation, dans son appartement, au travail, avec des loisirs.
Donner de la visibilité aux adultes avec autisme, voire aux personnes âgées -les grandes oubliées- permettrait de voir ce que les décideurs refusent de regarder en face. La représentation médiatique, qui oscille entre clichés et désir d’éloigner la différence de notre quotidien, mériterait d’être questionnée. Et changée.
(*) Josef Schovanec a été diagnostiqué autiste à 22 ans. Il est docteur en philosophie et écrivain (Je suis à l’est et Éloge du voyage à l’usage des autistes et de ceux qui ne le sont pas assez, éditions Plon)