De la suspicion d’un trouble chez son enfant au début de sa prise en charge, des années peuvent s’écouler. Et les parents d’enfants handicapés subissent une double-peine avec le poids des démarches administratives. Christelle, qui n'a pas trouvé de soutien pour elle, projette de créer une association pour l'offrir aux autres.
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« L’administration crée du désespoir. » Le constat est amer pour Christelle, qui se bat au quotidien pour son fils, Gabriel, 8 ans, autiste et souffrant de Troubles du déficit de l’attention (TDA). Mais elle n’en restera pas là. Elle a décidé de créer l’espoir qu’elle n’a pas trouvé pour elle, avec une future association. « Pour être une force, pour accueillir tous les parents concernés, précise-t-elle. Je veux leur permettre de se poser, de pleurer, de bénéficier de mon réseau. »
Lorsque Gabriel a été diagnostiqué TDA, que le sol s’est dérobé sous les pieds de la famille de Christelle, aucun soutien émotionnel ou logistique ne leur a été proposé. S’il existe des associations, elles sélectionnent parfois les dossiers à soutenir en fonction du diagnostic posé, « revendiquent beaucoup -et heureusement- proposent des pistes de prise en charge, mais c’est tout ».
« Vous n’avez qu’à tenir votre gosse »
A 45 ans, très active et surtout altruiste, Christelle aimerait soulager un peu les familles dont un enfant est handicapé. Particulièrement pour le handicap invisible que représente un trouble du spectre autistique. Invisible a priori, il est encore source d’insultes et d’accusations envers les parents –en particulier la mère, du fait de certaines orientations psychanalytiques tenaces suivies par certains thérapeutes.
Sans visibilité, le handicap de ces enfants passe encore pour des caprices. Pourtant, le droit aux places pour personne à mobilité réduite, ou même aux caisses prioritaires, faciliterait la vie. « Au supermarché, j’ai déjà entendu que j’étais un cas social, raconte-t-elle. J’étais à la caisse, avec mon bébé en porte-bébé et Gabriel en crise, le client derrière moi a donné un coup de charriot à Gabriel en me disant que je n’avais qu’à tenir mon gosse ! »
La vie sociale est elle ausi mise de côté. « Chez les amis, ça se passe mal et même les plus tolérants ne sont pas toujours très heureux de recevoir un enfant qualifié de turbulent... » Turbulent, mais surtout souffrant.
Des dossiers, toujours des dossiers
Il aura fallu plus d’un an et demi pour qu’un diagnostic soit posé pour Gabriel. Encore six mois pour une reconnaissance de son handicap. Et des papiers à en abattre une forêt. « Il y a eu un premier dossier pour que j’auto-évalue le trouble selon une échelle pré-existante », se souvient Christelle. Un entretien téléphonique de deux heures s’y est ajouté, avant enfin un rendez-vous physique avec le centre de diagnostic spécialisé.
« Pendant ce temps, la vie sociale, la vie scolaire et la vie familiale sont perturbées et on fait porter la responsabilité sur notre mauvaise éducation. » Lorsqu’un pédopsychiatre a évalué Gabriel, se sont ajoutés des rendez-vous d’orthoptie, d’orthophonie, de psychomotricité, de neuropsychiatrie. « Là, pour ne pas attendre six mois de plus, on est allés dans le privé : 400€ de notre poche ! »
Avec tous ces bilans, un retour chez le pédopsychiatre du centre de diagnostic a enfin permis d’annoncer à Christelle que son enfant n’était pas mal élevé, mais handicapé. Les Troubles du déficit de l’attention étaient établis. Désormais, elle est dans une démarche d’évaluation du trouble autistique repéré.
« Je passe mon temps à me battre »
Une fois le diagnostic posé, étiquette lourde sans soutien moral nulle part, débutait le combat pour la reconnaissance du handicap. Le dossier, sa dizaine de pages et son « projet de vie » à rédiger, ce n’est pas pour s’amuser. L’allocation, ce n’est pas pour le loisir. Gabriel a besoin d’un suivi multi-disciplinaire qui oblige à des déplacements de centaines de kilomètres cumulés : tous les professionnels « fréquentables » ne sont pas en bas de chez eux.
Le handicap de Gabriel a été évalué à moins de 50%, sans explication de ce chiffre qui objective son trouble et ses conséquences. Par exemple, cela ne lui offre pas de carte de stationnement sur les places bleues. Ni de prise en charge des transports vers certains de ses soignants.
Mais avec le nouveau diagnostic d’autisme, c’est un nouveau dossier, de nouveaux mois d’attente d’un nouveau chiffre qui se préparent. « Je passe mon temps à me battre, c’est épuisant », soupire Christelle.
C’est elle qui coordonne les soins de son fils, elle qui doit trouver les professionnels de santé et prendre sur son temps pour l’y accompagner. « Et encore, j’ai de la chance par rapport à beaucoup d’autres parents », souligne-t-elle. Parce qu’après des entretiens catastrophiques où elle s’est vue accusée de tous les maux de son fils, elle a fini par connaître la vérité. C’est de cette « chance » qu’elle se nourrit. Et qu’elle nourrit son projet d’association.