Depuis environ un an, l’atelier Le Baobab de Christine Soler, à Pau (64), permet de se soigner différemment. En complément de thérapeutiques institutionnelles, l’art y est utilisé pour exprimer une parole qui ne parvient pas à sortir en mots.
Quand le silence oppresse, que l’expression verbale est impossible, l’art est souvent une réponse et une liberté retrouvée. L’atelier Le Baobab, à Pau, est de ces lieux de liberté. « C’est un endroit que l’on co-construit tous ensemble. » Depuis un an environ qu’elle l’a ouvert, Christine Soler le voit évoluer au rythme de l’art-thérapie qu’elle y pratique.
Autour des pastels, de la peinture, des rouleaux de papier, de l’argile, de la gouache, des crayons, des perles, du fil de fer, de l’encre de chine ou même des instruments de musique, elle ouvre le dialogue sur la vie parfois sans utiliser de mot.
L’art-thérapie, encore peu connu et parfois méjugé, « n’est pas un atelier artistique, mais un atelier thérapeutique. Ce n’est pas du bien-être, c’est du mieux-être. » L’objet créé n’a pas d’importance, n’est pas jugé ni interprété.
Au fil de séances d’une heure, individuelles ou en petits groupes jusqu’à quatre personnes, Christine aide une parole à se libérer. « Il y a souvent des inhibitions quand on commence, mais on découvre vite un trésor au fond de soi. » Durant au moins un trimestre, à raison de deux à quatre fois par mois, « la créativité se développe ».
Un maillon d’une chaîne
Pour surmonter une difficulté passagère ou un peu plus installée, chacun peut avoir recours à l’art-thérapie, des plus jeunes aux plus âgés (*). « Je n’interviens que sur prescription médicale », précise Christine Soler. Très attachée à la rencontre et à la relation thérapeutique sur la durée, elle reconnaît offrir, derrière des règles précises et un contrat tacite passé entre elle et les patients, un « cadre assez souple, une liberté nécessaire à la confiance mutuelle ».
Intervenant en complément et en partenariat avec d’autres professionnels autour des personnes qu’elle accompagne, elle tient également beaucoup à la supervision du psychiatre avec qui elle travaille. « Je suis un maillon dans une chaîne, je ne suis pas ‘celle qui sait’ », tient à préciser cette ancienne éducatrice spécialisée.
Arrivée à l’art-thérapie par les vents de la vie qui l’ont poussée à se recentrer sur elle-même et ses attentes, Christine Soler est de ces soignants qui questionnent la rigidité des protocoles, interrogent le bien-fondé des conventions, font bouger l’institutionnel et intègrent le soin à la vie « dans la cité ».
Se rencontrer pour rencontrer l’autre
Révoltée et indépendante par nature, elle se refuse à taire les symptômes d’une société où tout ne tourne pas toujours très rond. « Par exemple, on n’écoute pas assez les adolescents qui nous disent nos dysfonctionnements. On cherche trop à lisser le comportement des enfants qui nous montrent leur besoin de liberté. On inculque une forme de violence en réduisant au silence, et on s’étonne des conséquences. »
Christine Soler tient à offrir un lieu d’expression totalement libre où il est permis de construire, de résister, de dialoguer, de s’ouvrir. « Je reçois beaucoup de personnes avec des phobies sociales, raconte-t-elle. Au Baobab, on vient se rencontrer soi-même pour avoir envie de rencontrer les autres. Cela se fait sans aucun calcul, guidé par la curiosité et la créativité. Vivre dans la peur de l’autre est insupportable, c’est important de travailler sur soi pour comprendre cette peur et la remplacer par une envie de rencontrer. »
En musique, dans une ambiance chaleureuse, au cœur d’un atelier coloré et laissant l’imagination vagabonder, c’est en proposant un médiateur que l’art-thérapeute libère une parole bloquée, permet une rencontre inattendue avec soi et avec le monde. L’atelier de Christine Soler, où elle-même peint et modèle la terre, évolue au fil de ces rencontres, d’abord riches d’humanité.
(*) Le mémoire rédigé par Christine Soler durant sa formation en art-thérapie à Toulouse porte sur l’accompagnement de la fin de vie.