Scolariser un enfant handicapé en France relève encore du combat. Une issue favorable reste de la chance. Pour les parents qui se lancent dans cette démarche pour leur enfant, le parcours est semé d’embûches et d’obstacles administratifs parfois ubuesques.
En dépit de la loi obligeant les établissements scolaires à accueillir tous les élèves, la norme n’est pas à la scolarisation pour les enfants handicapés, même lorsqu’il s’agit d’un handicap non-physique, ne demandant alors pas d’accessibilité matérielle particulière du bâtiment.
Selon un documentaire diffusé la semaine dernière par France Télévisions (*), vingt mille enfants handicapés seraient « abandonnés » par l’Education nationale. « Sans compter ceux qui partent à l’étranger. »
L’étranger, notamment la Belgique, accueille de nombreux élèves français diagnostiqués sur le spectre autistique. Avec un système sorti de la psychiatrisation outrancière de ces enfants (il est désormais établi qu’il s’agit d’un handicap neurologique et non d’une maladie mentale), le pays dispose d’établissements au personnel formé pour accueillir et accompagner les porteurs de ces handicaps.
En France, obtenir quelques heures de présence d’une Auxiliaire de vie scolaire (AVS), indispensable pour que les élèves suivent en classe, est un véritable défi. « Nous avons eu la chance d’être soutenus par une école très investie », raconte Christelle, maman d’un enfant de 8 ans bénéficiant de dix heures hebdomadaires d’AVS. Son fils Gabriel souffre de Troubles du déficit de l’attention (TDA). Il est également autiste.
Les acronymes contre la raison
Sans le soutien de leur école girondine, c’est l’administration qui aurait fini par absorber le projet de la famille. Parce que dans les rouages de l’attribution d’une AVS, il n’y a pas qu’un dossier de huit pages à remplir et des appels à passer régulièrement faute d’informations délivrées par l’Inspection académique.
Il y a aussi une subtilité qui différencie les AVS entre elles, et donc la possibilité d’offrir de leur temps à tel ou tel enfant.
Les auxiliaires sont affublées d’un M pour « mutualisée » lorsque le besoin estimé de l’enfant est assez léger pour que l’aide soit souple ; d’un I pour « individualisée » lorsque le besoin estimé de l’enfant exige la présence horaire quantifiée d’une personne qui se consacre à lui. C’est l’administration qui estime puis notifie le choix.
« Le 24 août, pour la rentrée du 1er septembre, on m’a annoncé que Gabriel bénéficierait d’une AVS-M. Alors que nous souhaitions, et l’école également, qu’il continue de voir l’AVS avec qui un lien de confiance s’était tissé l’année dernière... mais qui est AVS-I. »
Gabriel, 8 ans, diagnostiqué TDA et autiste, habitué à travailler avec la même personne depuis un an, aurait donc dû en quelques jours se faire à l’idée qu’il verrait quelqu’un d’autre et plus jamais celle en qui il avait confiance.
Décision de dernière minute
C’est finalement la veille de la rentrée scolaire, à 14 heures, que la décision la plus logique est prise. Mais le lendemain, quelques heures de mise au point avec l’Inspection académique seront encore nécessaires, puisque l’AVS installée auprès de Gabriel n’était pas la bonne.
Pour une lettre dans un acronyme, à quelques jours de la rentrée l’administration remettait en cause l’équilibre d’un enfant, d’un enseignant et d’une classe entière. Un non-sens. « D’autant que les compétences d’une AVS-I et d’une AVS-M sont strictement les mêmes », ajoute Christelle.
Non formées, ces personnes en contrat précaire sont piochées dans les rangs des demandeurs d’emploi et parachutées dans une classe auprès d’un enfant dont elles ne savent rien du handicap, pour trois ans. Puis remerciées. Pas toujours bien accueillies auprès de certains enseignants qui les voient comme des surveillantes de leur pratique professionnelle, elles offrent une stabilité aux élèves dont elles s’occupent.
Elles permettent à l’école de mieux accepter « les élèves qui ne rentrent pas dans les cases, ceux qui déplaisent, constate Christelle. Pourtant, nos enfants sont intelligents, créatifs... Il leur manque juste ce que l’institution attend d’eux : l’attention pendant des heures. Cela les rend difficiles à supporter. »
Souvent en échec scolaire, ces élèves quittent le système scolaire au début du collège. Mais tout ce qu’ils auront engrangé et stimulé dans les salles de classe leur aura apporté beaucoup. Entre les rendez-vous médicaux et paramédicaux, Gabriel et tous les autres ont besoin de vivre une vie d’enfant.