Après un accident cardiaque, en août 2022, je suis devenu paraplégique. Une paraplégie flasque et haute que ça s’appelle, ce qui veut dire aussi qu’il en existe des dures et basses.
Comme une double peine, depuis l’accident, je n’ai plus de logement et je n’arrive pas à en trouver un. Bien sûr, je cherche, je cherche… je fouine, je fouille, je renifle, je chasse, je creuse, et je ne vois rien venir. L’horizon du logement, social ou non, est bel et bien bouché.
Que mon ton badin ne nous égare pas, cette situation est scandaleuse, et le plus scandaleux dans cette histoire c’est que, bien évidemment, je ne suis pas le seul dans cette situation et qu’il existe aussi malheureusement des situations bien pires, SDF, femmes battues, logements insalubres ou vivent des enfants en bas âge, logements dangereux, ...
Je passe les détails mais en gros le parcours c’est : demande de logement social dans les règles, attribution d’un Numéro Unique Départemental, le NUD ; ensuite, recours DALO, c’est la loi du Droit Au Logement Opposable, en situation déclarée urgente et prioritaire dûe au handicap et au fait que je sois « hébergé » dans une clinique. Le DALO est censé accélérer les choses, en gros (encore) on attaque la Préfecture de notre département et on la somme de nous trouver vite, vite, vite, en priorité, un logement.
La priorité DALO c’est comme LA priorité du gouvernement dans l’éducation, l’agriculture, la santé, etc. C’est une priorité que l’on pourrait qualifier de prioritaire, dans le sens où on la mettrait en priorité sur les autres priorités tout en assurant qu’elle est bien évidemment prioritaire. Mon dossier est donc DALO urgent et prioritaire et ce depuis avril 2023. Depuis, décembre 2022, date de ma déclaration de demande de logement social, et donc depuis aussi avril 2023, je n’ai reçu aucune proposition de logement par Action Logement. Et l’urgence c’est une qualification pour une situation qui est considérée comme urgente. Comme quand j’ai eu mon accident cardiaque, au boulot, qui a révélé une situation plutôt urgente, et qui m’a fait partir vers un service de santé appelé « Les Urgences » au moins ¾ d’heure après mon accident cardiaque, avec une douleur classée à 9 par mes soins sur l’échelle Richter de la douleur et avec des jambes qui déjà ne me répondaient plus.
Maintenant, ce sont les bailleurs sociaux, les services logement des mairies, la Préfecture, qui ne me répondent plus. Gabriel ATTAL a dit dans son premier discours de premier ministre que la priorité (encore elle) devait être donnée aux classes moyennes. On peut croire naïvement que « la priorité doit être donnée aux classes moyennes » veut dire explicitement et concrètement que la priorité doit être donnée aux classes moyennes. Oui, on peut le croire. Mais peut-on aussi croire que cela veut dire que les classes pauvres peuvent aller se faire cuire le cul ? Pour reprendre une expression assez courante aujourd’hui.
Avec une demande de logement social, il existe plusieurs façons d’exister, harceler les mairies, les services logements, voire directement les bailleurs sociaux. Seulement quand à la première tentative ils nous ont répondu « qu’ils comprenaient ma situation, que c’était bouché, que bon courage et que bonne continuation, et que au revoir », j’avoue que ça me refroidit pour harceler et puis j’aime pas harceler, même une administration…
Il existe une plate-forme en ligne qui se nomme « bienveo » et qui est censée référencer des offres de logements sociaux. Las, depuis que je suis allé sur le site il n’y a eu aucune proposition de logement avec mes critères de recherche ou pas. Je crois en fait, en recoupant d’autres témoignages d’utilisateurs, que ce site est complètement obsolète, si ce n’est abandonné.
Il existe, tenez-vous bien, tenez-vous mieux rajoutait M. Desproges, une autre plate-forme en ligne, nommée al-in, qui veut dire “Action Logement” et le in je ne sais pas ce qu’il veut dire. Par contre, elle n’est accessible qu’aux salariés d’entreprises qui cotisent aux 1% patronal. Donc encore une fois, si on cherche ce que cela veut dire, ceux qui ne sont pas salariés peuvent aussi alors aller se faire cuire le cul pour avoir accès à des offres de logement social. Les classes moyennes, travailleuses, sont donc ici largement privilégiés dans leur recherche de logement social. Il y a même un site avec des annonces un peu plus chères que les tarifs des logements sociaux habituels…
Par miracle, j’avoue, mon accident étant classé en accident du travail, je suis toujours salarié et donc bénéficie d’un accès privilégié à cette plate-forme qui elle a le mérite de proposer des offres de logement sociaux. J’en suis à bientôt ma 10eme candidature pour des logements sociaux proposés sur Lyon et grands environs. Que des refus. Il y a des CAL Commission d’Attribution de Logement qui se réunissent et qui décident qui peut remporter le pompon et décrocher la timbale tant convoité d’un logement social. Les refus ne sont pas motivés et j’avoue que moi aussi de moins en moins pour la recherche via cette plate-forme. On ne sait pas qui a donc la priorité sur l’attribution de ces logements, où les candidatures peuvent aller, sur la région lyonnaise jusqu’à 570 candidatures pour un logement. C’est pire en Île-de-France…
Le côté obscur non pas de la Force mais de ces CAL donnent un petit parfum de complotisme aux attributions de logements sociaux. On peut le voir en traînant sur les groupes Facebook consacrés au logement social, qui de éructer « c’est les étrangers qui ont tout », ou « j’en ai connu qui l’ont eu par piston, c’est tout du piston », ou encore « ils privilégient que les riches ». D’autres rumeurs, peut-être plus crédibles, se font l’écho depuis janvier 2024 d’attributions qui seraient refusées aux personnes bénéficiaires du RSA. Je laisse là cette rumeur en suspens et la met juste en parallèle avec LA priorité donnée dans tout les domaines aux classes moyennes par le gouvernement.
Si encore on attribuait les logements en priorité aux personnes dans le besoin, où leur situation est vraiment urgente, où leur intégrité physique est même menacée. Je laisserai volontiers ma place, moi qui ai encore un toit sur la tête, même si ce n’est pas chez moi. Mais pour l’instant rien n’indique que c’est le cas, et rien n’indique si les bailleurs sociaux et autres membres de l’académie des CAL écoutent le gouvernement en donnant LA priorité aux classes moyennes. Ils peuvent le faire !
J’en veux quand même fortement aux responsables de cette situation, de cette crise qui dure depuis des années et qui va durer encore des années. Je ne suis pas sociologue, ni statisticien, ni chercheur en quoi que ce soit si ce n’est en recherche de moi-même quand je m’égare. Non. Mais je veux bien lancer une analyse, qui vaut ce qu’elle vaut, pour tenter de nommer des responsables et des causes à cette crise du logement qui nous vient en pleine face. Depuis des années, la politique de logement social est à considérer comme inexistante par l’inaction des gouvernements successifs. Ils n’ont pas voulu anticiper la demande exponentielle qui se profilait et qui n’a pas surgi comme ça d’un chapeau.
Elle est apparue sûrement dans les années 2000 et était donc très prévisible, avec la hausse des loyers, les gens quittant leurs logements et se regroupant dans des logements plus petits. La forte augmentation aussi, indéniablement, des divorces qui ont conduit aussi à la multiplication par 2 de besoin en logement pour les couples et familles. Aussi, l’augmentation scandaleuse du nombre de personnes à la rue, ne pouvant plus assumer un loyer, ou fuyant un mari violent, ou ceux tombés dans la misère sociale depuis des années. L’augmentation aussi des logements insalubres, délaissés par leur propriétaire qui ne peuvent ou ne veulent plus assumer les travaux minimum d’entretien et d’isolation. J’en veux à tous ces facteurs déclencheurs et donc à tout ces politiciens qui n’ont pas voulu prendre le sujet à bras-le-corps et faire du logement vraiment une priorité. Honte à eux de diriger un pays, de voter ses lois, et de ne pas prendre la mesure nécessaire et vitale de loger les habitants de ce pays… depuis des années.
Maintenant, moi, avec mon fauteuil qui roule et mon mince et faible espoir en bandoulière, j’attends toujours, penaud, avec mes candidatures pour des logements sociaux qui se voient refusées. Que l’on daigne me donner un droit au logement, qu’il soit opposable ou non. La situation ici, en clinique de soins depuis bientôt un an et demi devient insupportable, l’horizon bouché n’aide pas à garder le moral à une hauteur suffisante.
Mais, j’ai quand même essayé d’en prendre de la hauteur, d’en prendre à la vie, à l’humour, à l’écriture, pour me dire que malgré tout, un jour, j’aurais un logement, que ce sera chez moi et que je pourrai regarder sereinement l’horizon débouché. Et comme dirait l’Autre, je fais un rêve qu’un jour on verra tout les gens qui sont à la rue sous un toit et entre 4 murs sains et bien isolés.
Merci de votre attention.
Bien cordialement à vous.