"Daaaaaalí !" de Quentin Dupieux

Sortie DVD : Daaaaaalí ! de Quentin Dupieux

Quentin Dupieux enchaîne à un rythme frénétique la réalisation de ses films chaque année à l'instar d'un Godard des années 1960 avec toujours une idée inédite surréaliste amenant ses personnages sur des terrains inconnus, le tout avec des acteurs et actrices emporté es par la folie créatrice du cinéaste. Tel est le nouveau programme assuré avec une rigueur parfaite autour de la personnalité médiatique elle-même hors du commun de Salvador Dalí. Le film est ainsi avant tout un portrait de la personnalité de l'artiste plutôt qu'une exploration de son œuvre, ce qui n'empêche pas d'y trouver quelques clés de lecture. L'émancipation créatrice et ludique de Quentin Dupieux épouse parfaitement celle de Salvador Dalí, tout en partageant une complicité dans l'humour. Le cinéaste invite par la même occasion l'âme de Luis Buñuel, coauteur avec Salvador Dalí d'Un chien andalou (1929) et L'Âge d'or (1930), en pastichant notamment Le Charme discret de la bourgeoisie (1972) avec la scène de repas qui n'en finit pas de finir autour de l'évocation mise en abyme du rêve d'un prêtre.

Le film de Quentin Dupieux est à nouveau une réussite dans ses intentions avec des acteurs qui se sont particulièrement investis à incarner et proposer leur propre version de Dalí, avec malgré tout une petite réserve pour Pio Marmaï qui n'a que la folie du regard pour convoquer l'artiste. Le personnage Dalí innerve tellement le film que les scènes sans lui ont beaucoup de difficultés à exister même si Anaïs Demoustier parvient à assurer le fil rouge grâce à la douce inquiétude de son personnage. Au passage, de manière qui n'a rien d'innocent, est évoqué autour de l'artiste auquel on pardonne tout, des attouchements sexuels autour d'une maquilleuse qui fait écho à la parole portée par #MeToo convoquant la figure de Depardieu. Pour autant, il ne faut pas demander à Quentin Dupieux d'être engagé ni politisé : il est plutôt un homme conscient de son temps créant du lien avec les problématiques qui l'entourent sans pour autant les explorer davantage. Ainsi, il n'a pas la virulence iconoclaste de son maître spirituel Luis Buñuel mais de prime abord, jamais ne la recherche. Il en résulte un art du cinéma dépourvu de sa substantifique moelle politique avec un scénario réduit à une certaine épure au bénéfice d'un montage assuré de main de maître par le cinéaste lui-même, ainsi que la photographie du film, dans une proximité complice avec les interprètes devant la caméra. Le surréalisme doit d'ailleurs beaucoup au montage méticuleux confrontant des scènes et des situations d'où émerge spontanément l'onirisme. L'ensemble du film prend en outre son envol grâce à la musique obsessionnelle composée avec une efficacité savoureuse par Thomas Bangalter, ancien membre de Daft Punk.

Daaaaaalí !
de Quentin Dupieux
Avec : Anaïs Demoustier (Judith, la journaliste), Édouard Baer (Salvador Dalí), Jonathan Cohen (Salvador Dalí), Gilles Lellouche (Salvador Dalí), Pio Marmaï (Salvador Dalí), Didier Flamand (Salvador Dalí âgé), Boris Gillot (autre Dalí), Romain Duris (Jérôme, le producteur), Agnès Hurstel (Lucie, l'assistante), Marie Bunel (Mme Abravanel, l'acheteuse du tableau), Nicolas Carpentier (le commissaire-priseur), Jérôme Niel (le modèle à la canne), Marc Fraize (le modèle au mouchoir), Jean-Marie Winling (l'homme dans le bus), Laurent Nicolas (Georges), Éric Naggar (le prêtre), Sandrine Blancke (la bonne de Georges), Hervé Pauchon (le journaliste de la télévision)
France, 2024.
Durée : 74 min
Sortie en salles (France) : 7 février 2024
Sortie France du DVD : 18 juin 2024
Format : 2,39 – Couleur
Langue : français - Sous-titres : français.
Éditeur : Diaphana

Bonus :
Entretien avec Quentin Dupieux, Jonathan Cohen, Édouard Baer, captation SensCritique (17’32”)
« Daaaaaalí à la plage » : extrait du documentaire « Filmer fait penser » réalisé par Charles Bosson (6’16”)
Rencontre avec Salvador Dalí : réalisé par Pierre Jourdan (archive INA, 1971, 10’38”)
Teaser (0’31”)
Bande-annonce (1’20”)