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À propos du DVD : Mediterranea de Jonas Carpignano
La migration, le déplacement humain fondent l’histoire moderne tout autant que celle plus ancienne de l’humanité. Il y a d’un côté la migration d’un roi guerrier qui en cache un autre (Ulysse et Énée) aux quatre coins de ladite Méditerranée et de l’autre la forte vague d’immigration aux XIXe et XXe siècle, entre l’Italie et les jeunes États-Unis d’Amérique du Nord. C’est dans toute cette large histoire que se situe la réalité très contemporaine ancrée dans le fait-divers dont Mediterraneaest le témoignage. Jonas Carpignano, le réalisateur de ce premier long métrage, est au cœur de cette histoire, né d’une mère afro-américaine et d’un père italien. C’est dire que le film ne se contente pas de livrer un point de vue distancié de ce qui se joue actuellement en mer Méditerranée, l’un des plus terribles cimetières humains du monde tout en s’imposant violemment comme une frontière entre le Nord et le Sud construite idéologiquement par la tension des politiques les plus néfastes en Europe. À la différence de Hope de Boris Lojkine, également présenté pour la première fois à la Semaine de la Critique en 2014 (Mediterraneal’a suivi dans la même section du festival de Cannes en 2015) et d’Harragas Merzak Allouache (2009), le film de Jonas Carpignano s’intéresse surtout à l’accueil/non accueil des migrants en Italie, là où les autres films se concentraient sur l’épreuve de la traversée avant d’arriver en Europe. C’est là que se distingue et se singularise le film, dont la naissance est motivée par les émeutes de Rosarno en 2010. À travers deux parcours, ceux d’Ayiva et d’Abas, ce sont deux manières de vivre la rencontre avec la réalité locale italienne qui sont mises en scène, comme pour élargir le questionnement sur ce qui a pu se jouer en 2010. Chaque personnage a son rôle, de l’enfant marchandant tout objet de communication et qui se révèle être un contact déterminant d’Ayiva, au patron de l’exploitation au comportement ambivalent, entre paternalisme intéressé et micro capitalisme intransigeant. La démarche de Jonas Carpignano est d’autant plus forte qu’à aucun moment il ne quitte ses personnages et la profondeur des histoires qui les traversent : là est l’enjeu de ce film, plutôt que faire œuvre de cinéma. Il réussit ainsi une brillante synthèse entre sa participation au film Les Bêtes du Sud sauvage de Benh Zeitlin (2012), le néoréalisme italien et les nouvelles formes de cinéma engagée, déplaçant les frontières entre fiction et documentaire pour interroger sans détour la violence de la séparation idéologique entre le Nord et le Sud. La question est suffisamment transnationale pour ne pas qu’elle soit limitée aux propos propagandistes et de mauvaise foi d’individus politiques carriéristes se focalisant sur des logiques incestueusement nationales.
Mediterranea
de Jonas Carpignano
Avec : Koudous Seihon (Ayiva), Alassane Sy (Abas), Francesco Papasergio (Mommo), Pio Amato (Pio), Vincenzina Siciliano (Marta)
Italie, France, USA, Allemagne, Qatar – 2015.
Durée : 107 min
Sortie en salles (France) : 2 septembre 2015
Sortie France du DVD : 4 mars 2016
Format : 1,85 – Couleur
Langue : international - Sous-titres : français.
Éditeur : Blaq Out
Bonus :
• Entretien avec Catherine Wihtol de Wenden, sociologue
• Scènes coupées