
Agrandissement : Illustration 1

Film présenté en avant-première de la programmation de Cinémondes, 21e édition du Festival International du Film Indépendant du 30 septembre au 5 octobre 2025 au cinéma Rex d'Abbeville : Kika d'Alexe Poukine
Après avoir vivement marqué du côté du documentaire avec la réalisation des films Sans frapper (2019) et Sauve qui peut (2024), Alexe Poukine s'empare cette fois-ci de la fiction au format long afin de poursuivre et d'incarner les questions du consentement dans l'intimité sexuelle et la violence des institutions qui ne donne pas les moyens d'une véritable politique sociale luttant contre la marginalisation et la précarisation.
La découverte ici pour l'héroïne éponyme de l'univers du BDSM emprunte une autre voix que celle de Luis Buñuel dans Belle de jour (1967), en mettant en parallèle la mise en miroir au sein d'un même personnage la dualité professionnelle entre l'impuissance à faire du bien en tant qu'assistante sociale et le pouvoir maîtrisé par l'humiliation orchestrée et consentie apportant réconfort à l'autre. La fiction permet ici d'explorer une zone frontière avec ce qui est socialement accepté pour survivre et lutter contre la précarité pour une femme seule avec enfant. La découverte du BDSM se présente dès lors comme un moyen de politiser le désaveu des politiques sociales contemporaines tout autant qu'une exploration pour la protagoniste pour trouver un espace pour vivre son deuil et s'ouvrir à nouveau à la vie.
La vulnérabilité de chacun des personnages est de cette manière saisie avec une profonde dignité pour dresser un portrait large de la société contemporaine au bord de l'étouffement mais où la solidarité est toujours possible, comme la sororité mise en scène au sein des professionnelles de la mise en scène de la sexualité tarifée.
Alexe Poukine assume une audacieuse prise de risque par son exploration qui même intime et politique afin de déplacer avec perspicacité le regard sur la prise en compte de la précarisation des membres d'une société à bout de souffle. Pour en témoigner, la cinéaste sort des sentiers battus en laissant en hors-champ des situations de conflictualité attendue mais qui n'apportent rien à l'essence de son récit et en désamorçant ainsi la diversion possible inhérente aux situations mélodramatiques. L'actrice Manon Clavel tout en tension intérieure maîtrisée et troubles extérieurs électriques, est une véritable révélation enthousiasmante qui offre encore avec subtilité toutes les riches ambiguïtés de lecture du film comme chronique initiatique.
Kika
d'Alexe Poukine
Fiction
110 minutes. Belgique, 2025.
Couleur
Langue originale : français
Avec : Manon Clavel (Kika), Makita Samba (David), .Ethelle Gonzalez Lardued (Mary), Suzanne Elbaz (Louison), Anaël Snoek (Rasha), Thomas Coumans (Paul)
Scénario : Alexe Poukine et Thomas Van Zuylen
Images : Colin Leveque
Montage : Agnès Bruckert
Musique : Pierre Desprats
Son : Thomas Grimm-Landsberg
Étalonnage : Emmanuel Fortin
Costumes : Prunelle Rulens
Décors : Julia Irribarria
Production : Benoit Roland, Alexandre Perrier et François-Pierre Clavel
Sociétés de production : Wrong Men et Kidam
Distributeur (France) : Condor Distribution
Sortie salles (France) : 12 novembre 2025