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Billet de blog 3 novembre 2020

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La Pologne, un pays sacrifié au sortir de la Seconde Guerre mondiale

Face à l’avancée de l’armée allemande, l’insurrection polonaise à Varsovie a du mal à tenir : les insurgés en armes sont contraints à fuir par les égouts.

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Illustration 1
"Kanal" d’Andrzej Wajda © Malavida Films

Sortie de l’édition DVD collector : Kanal d’Andrzej Wajda

Pour son deuxième long métrage après Une génération (Pokolenie, 1955), Andrzej Wajda ose une relecture de l’histoire une décennie après les événements de l’insurrection de l’armée polonaise de Résistance à Varsovie. Celle-ci s’est terminée par un véritable massacre sous le regard machiavélique du commandement de l’armée russe qui n’a pas bougé d’un millimètre pour soutenir son allié contre le nazisme. Le film a pu être réalisé dans le contexte précis de déstalinisation initiée par Nikita Khrouchtchev et rappelé ainsi la responsabilité de Staline dans les assassinats perpétrés par l’armée allemande en Pologne. Comme le rappelle très bien Jan Nowak Jezioranski, membre actif de la résistance polonaise, dans un entretien vidéo dirigé en 2004 par Andrzej Wajda à l’occasion des 60 ans de la commémoration de l’insurrection de Varsovie (présent dans cette édition DVD en guise de bonus), l’enjeu pour Staline était d’écraser les désirs d’indépendance du futur État polonais, en laissant l’armée allemande liquider la Résistance polonaise. Il ne restait alors ensuite plus qu’à l’Armée rouge de traverser la Vistule et prendre possession de Varsovie et continuer ainsi son avancée jusqu’à Berlin. Plus de soixante-dix ans après ce nouveau traumatisme ancré dans la mémoire polonaise, le film d’Andrzej Wajda offre toujours un regard critique perspicace pour comprendre l’organisation géopolitique de l’Europe de l’après-guerre. En effet, l’insurrection de Varsovie a permis de freiner l’avancée de l’Armée rouge à Berlin et sauver la ville dès lors divisée.
Quant au cinéma proposé par Andrzej Wajda, il réussit à conjuguer à la fois le néoréalisme de Roberto Rossellini et plus particulièrement de Païsa (1946) pour son sujet, en allant filmer les dernières ruines de Varsovie, l’expressionnisme dans la descente aux enfers dans les égouts ainsi que le surréalisme de Luis Buñuel où la folie et l’imaginaire deviennent une porte de sortie à l’égard d’une destinée humaine murée. Wajda raconte une tragédie d’un événement historique censé mettre en valeur la fierté du peuple polonais à résister face à l’oppression mais en s’opposant à toute mise en valeur héroïque. Ces hommes et femmes, personnages principaux du film, qui ont participé à modifier la destinée de leur pays, ont été les marionnettes des enjeux machiavéliques des dirigeants qui allaient se partager le monde à Yalta. Dès lors, la destinée de chacun des personnages que le film suit avec une véritable attention sous la forme d’un récit choral, symbolise le trajet historique de la Pologne. Le sens de la tragédie du Kanal d’Andrzej Wajda sert toujours un enjeu politique historicocritique d’une force qui traverse les décennies.

Illustration 2

Kanal
d’Andrzej Wajda
Avec : Teresa Izewska (la messagère "Stokrotka") Tadeusz Janczar (l’aspirant Jacek 'Korab'), Wienczyslaw Glinski (le lieutenant 'Zadra'), Tadeusz Gwiazdowski (le sergent 'Kula'), Stanisław Mikulski (Smukły), Emil Karewicz (le lieutenant 'Mądry'), Vladek Sheybal (Michał 'Ogromny', le compositeur), Jan Englert (le messager "Zefir"), Teresa Berezowska (la messagère Halinka), Zofia Lindorf (la femme à la recherche de sa fille), Kazimierz Dejunowicz (le capitaine "Zabawa"), Zdzisław Leśniak ("Mały"), Maciej Maciejewski (le lieutenant "Gustaw"), Adam Pawlikowski (l'Allemand à la sortie du tunnel), Janina Jabłonowska, Maria Kretz, Kazimierz Kutz
Pologne, 1957.
Durée : 91 min
Sortie en salles (France) : 12 mars 1958
Sortie France du DVD édition collector : 22 octobre 2020
Format : 1,33 – Noir & Blanc
Langue : polonais - Sous-titres : français.
Éditeur : Malavida Films
Bonus :
un livret (20 pages) : entretien avec Andrzej Wajda par Maria Ratschewa (extraits de Wajda © L’Atalante, 1982) et par Boleslaw Michalek (extraits d’Études cinématographiques © Lettres Modernes Minard, Paris, 1968), textes d’analyses
Interview d’Andrzej Wajda (2004, 25’, VOST)
Entretien avec Jan Nowak Jezioranski (2004, 29’, VOST)

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