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Sortie DVD : Pop Aye de Kirsten Tan
L’image forte de ce road movie se trouve précisément dès la première scène où un homme quitte une vie dans laquelle il ne se reconnaît plus parce qu’il n’y a plus sa place, auprès d’un éléphant pour traverser le pays en quête de quiétude. Le road movie est alors la forme propice aux rencontres diverses qui permettront au personnage principal de se projeter dans chacune de celles-ci. Il faut à cet architecte qui a offert sa vie aveuglément au dynamisme urbain de Bangkok tout à la construction d’un avenir inaccessible, une remise en cause totale et violente de son confort de vie pour commencer un long chemin d’introspection. L’architecte, figure symbolique de la réussite sociale triomphante capable d’imposer ses visions à l’organisation de toute une ville, se retrouve face à l’inanité de sa vie, qu’il s’agisse de sa vie professionnelle où il est progressivement mis au placard au nom du jeunisme de cette abstraction idéologique que l’on nomme « progrès », de sa vie conjugale où il ne partage plus rien avec son épouse et sa vie spirituelle dont il est complètement déconnecté. Il se trouve que Pop Aye (prénom déformé de « Popeye » dont le futur architecte suivait les aventures à la télévision quand il était enfant) n’est autre que le prénom de l’éléphant de son enfance qu’il a vendu pour rejoindre les lumières de la ville : dès lors son « pèlerinage » vers le retour à ses origines devient un long cheminement intérieur afin de retrouver une certaine innocence perdue. Le scénario offre une grande place aux symboles, mis au service de la démonstration de la vie du personnage principal. Celui-ci devient alors le miroir de l’évolution du pays dont l’âme se perd dans sa course aveugle au progrès. La présence massive de cet éléphant qui impose un tout autre rapport au temps est bien l’une des grandes forces et originalités du scénario et étonnamment réussit à porter l’ensemble du film.
Pour son premier long métrage, Kirsten Tan s’implique dans un récit d’une grande simplicité volontaire. Les portraits qui gravitent autour de son personnage principal rendent compte des diverses figures de la marginalité dont la force est de n’avoir jamais renoncé en leur foi en l’amour et en l’innocence, contrairement à la culture urbaine de la capitale thaïlandaise. Il y a ainsi beaucoup de la personnalité de la réalisatrice dans ce film qui ne se contente pas de mettre en scène un rapport contemplatif à l’égard de la beauté des paysages parcourus mais relance le dynamisme de son récit à travers un montage faisant plusieurs reprises dans le temps afin de décrire patiemment la personnalité du protagoniste, renforçant ainsi sans cesse le sens de l’intrigue. C’est aussi une manière de jouer sur les évidences premières qui sont toujours trompeuses afin de justement casser les a priori posés sur les figures de la marginalités. Un film touchant dont le dynamisme est porté par sa galerie de personnages qui doivent davantage à la fiction qu’au documentaire et offre dès lors de doux moments de situations poétiques.

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Pop Aye
de Kirsten Tan
Avec : Penpak Sirikul (Bo), Thaneth Warakulnukroh (Thana), Nattavut Trivisvavet (Anuwat), Nannapas Buranaworakun (June), Sasapin Siriwanji, Kantisuda Meebunmak, Prawit Boonprakong, Naphawan Seeraksa, Chatchawan Wongarj, Paveena Poungsiri, Darunrat Nopsaeng, Narong Pongpab, Supanthu Julma
Thaïlande, 2017.
Durée : 98 min
Sortie en salles (France) : 6 septembre 2017
Sortie France du DVD : 6 mars 2018
Format : 2,35 – Couleur
Langue : thaïlandais - Sous-titres : français.
Éditeur : Blaq Out
Bonus :
Courts métrages de Kirsten Tan :
Sink (2009, 11’)
Cold Noodles (2010, 7’)
Dahdi (2014, 17’)