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Billet de blog 5 juillet 2018

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Amour et foot : inadéquation pour causes d'homophobie

Mario, jeune footballeur ambitieux, tombe amoureux de Léon, attaquant qui intègre son équipe. Les remarques homophobes et autres conseils de mauvais aloi au sein de son équipe ne cessent dès lors de polluer son quotidien.

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Illustration 1
"Mario" de Marcel Gisler © Epicentre Films

Sortie DVD : Mario de Marcel Gisler

L'homophobie n'est hélas toujours pas un combat d'arrière-garde à l'heure où en 2018 70 pays dans le monde condamnent l'homosexualité dont 12 de peine de mort ! Si le football est un sport popularisé au niveau mondial, cela ne fait pas pour autant de lui le fondement d'un espace démocratique ouvert pour tous. C'était pourtant le grand message de la fameuse équipe « black, blanc, beur » qui devait sans discrimination aucune témoigner d'un sport ouvert à tous. Or, l'homosexualité, plus que dans tout autre espace social, y est encore violemment discriminé et c'est sur le constat de cette réalité contemporaine que le réalisateur Marcel Gisler (Day Thieves, F. est un salaud, Electrobody) a choisi de développer son récit. Une ombre au tableau où le football à l'heure de la médiatisation internationale d'une coupe du monde doit célébrer une commune foi quasi religieuse dans un œcuménisme universel ? Oui et cette ombre révèle aussi de plus sombres nuages. En dehors des diverses affaires de corruption qui entâchent le monde du football, le film de Marcel Gisler interroge un sport populaire à travers ses fabrications de modèles implicites de masculinité autour d'une virilité homophobe. Il y a d'abord la bêtise quotidienne de l'homophobie au sein d'une équipe de mâles qui ne savent plus que faire de leurs testostérones dont l'intolérance envers la différence sexuelle est d'autant plus exacerbée que l'image des joueurs est utilisée comme une valeur marchande qui les dépossède de leur propre conscience d'eux-mêmes. Le drame du personnage éponyme consiste à se voir dépossédé de sa propre sensibilité, de son épanouissement dans sa relation aux autres. Si tomber amoureux peut être un acte de découverte de soi dans une réciprocité complémentaire avec l'autre, pour Mario son expérience amoureuse est brimée, détruite à sa base, parce que son père ne peut l'accepter autant que ses sponsors, ses coéquipiers... tout ceci au nom d'une identité préfabriquée qui n'est pas la sienne. Si le film est fondamentalement un mélodrame autour d'une histoire d'amour impossible, l'histoire est un prétexte à dénoncer universellement des milieux homophobes d'autant plus dangereux que ceux-ci fabriquent incidemment une identité universelle d'une masculinité dénuée de toute humanité dans un culte de la performance de la testostérone exacerbée. Pourtant, la promiscuité, la complicité, l'effort collectif, le fait de passer des heures ensemble à suer jusqu'à l'orgasme procuré par la pénétration d'un ballon dans l'orifice d'une cage symbolise à tous égards un acte sexuel décomplexé des rapports de genre... C'est toute l'hypocrisie là encore de ces promoteurs de modèles universels d'une identité uniforme. Le sport, quel qu'il soit, doit dépasser sa dimension guerrière pour s'épanouir dans l'amour : c'est aussi l'un des messages que le film prend le temps de développer en suivant la lente évolution de son personnage principal vers une dépossession de lui-même au profit du respect des normes préétablies de la réussite sociale.

Illustration 2

Mario
de Marcel Gisler
Avec : Max Hubacher (Mario Lüth), Aaron Altaras (Léon Saldo)
Suisse, 2018.
Durée : 119 min
Sortie en salles (France) : 1er août 2018
Sortie France du DVD : 3 juillet 2018
Format : 1,85 – Couleur
Langue : allemand - Sous-titres : français.
Éditeur : Épicentre
Bonus :
Entretien avec le réalisateur Marcel Gisler
Bio-filmographie du Marcel Gisler
Galerie de photos du film
Bande-annonce

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