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Billet de blog 6 janvier 2015

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L’amiante, après un siècle d’exploitation industrielle intensive… de la rentabilité et des milliers de morts

Sortie DVD de La Part du feu, d’Emmanuel Roy

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Illustration 1
© Shellac Sud

Sortie DVD de La Part du feu, d’Emmanuel Roy

Un homme parcours le paysage des calanques près de Marseille en caméra subjective et en voix off défile le récit d’un homme luttant contre la maladie. L’histoire de cet homme est issu de son journal personnel et la maladie qu’il découvrira avec ses médecins très tardivement est le mésanthéliome (cancer de la plèvre) dû à l’absorption d’amiante. Cet homme aujourd’hui décédé, c’est Henry Roy, le père d’Emmanuel Roy, réalisateur de ce documentaire. Malgré la part autobiographique du projet, le réalisateur se tient très en retrait : on ne le verra jamais à l’écran et sa voix sera le plus souvent absente dans les échanges avec les principaux protagonistes. Le journal de son père est lu par le comédien Franck Trillot, ce qui ajoute une part de fiction au film. Cette part de fiction qui apparaît encore lorsque la caméra mobile et silencieuse déambule aussi bien dans les calanques que dans un gymnase en cours de désamiantage, est un moyen très bien adapté pour rendre compte de l’anxiété, de la crainte de tous ces hommes et femmes qui dans leur travail peuvent à tout moment inhaler des poussières mortelles d’amiante. Le récit en voix off du développement de la maladie d’Henri Roy, de sa confrontation à ses collègues, est mis en parallèles avec les différentes étapes de désamiantage du gymnase de Sanary-sur-Mer, près de la côté méditerranéenne.

La parole se partage devant la caméra entre quatre personnages filmés au moment du crépuscule (atmosphère crépusculaire des friches industrielles comme des vies humaines pleines d’espoir stoppées en plein mouvement) : deux victimes directes de l’amiante et deux professionnels engagés dans le désamiantage des bâtiments. Ce sont là de véritables choix de mise en scène pour un documentaire qui ose expérimenter une manière toute personnelle de témoigner d’un scandale de santé publique. Rien là du documentaire classique visant à récolter le maximum d’informations sur un sujet précis pour avertir l’opinion publique. Le réalisateur ose prendre le temps d’éprouver ce qu’il voit et de le partager avec le spectateur, davantage dans le souci de rendre hommage aux défuntes victimes de l’amiante et de tenter d’éprouver ce que signifie cette perte de confiance face à une menace invisible, que de donner des données statistiques et autres explications scientifiques. Car derrière l’amiante, se trouve une histoire d’exploitation industrielle de plus d’un siècle où déjà en 1890 on décelait déjà plusieurs ouvriers morts en raison de leur exposition directe à l’amiante. Mais l’amiante est un matériaux qui a beaucoup trop de qualités pour les industriels et les investisseurs, ce qui a conduit les pouvoirs publics à minimiser l’enjeu de la sécurité publique, à grand renfort de lobbying. Mais c’est là une autre histoire pour un autre récit que ce documentaire qui conserve malgré tout ces échos en toile de fond. La Part du feu est une manière très pudique et humaniste pour Emmanuel Roy de faire son deuil, tout en invitant le spectateur-citoyen à se sensibiliser à la maladie de ces bâtiments publics, de cette nature lacérée, amputée par ses mines d’amiante. Car le documentaire d’Emmanuel Roy a également pour intérêt de rendre compte de l’humanité en souffrance derrière l’architecture désamiantée et la nature exploitée jusqu’à son dernier souffle d’énergie.

Illustration 2

La Part du feu

d’Emmanuel Roy

France - 2013.

Durée : 88 min

Sortie en salles (France) : 13 novembre 2013

Sortie France du DVD : 1er juillet 2014

Format : 1,85 – Couleur

Langue : français - Sous-titres : anglais.

Éditeur : Shellac Sud

Bonus :

trois rencontres :

  • Annie : premier tournage, premier entretien, retour dans la ville où le père du réalisateur aurait été contaminé, retrouvailles qui ont lancé le film
  • Sylvie : Sylvie Zannotti et son associé en pleine recherche d’amiante dans un cinéma désaffecté de Toulon
  • Loïc : un géologue, au bord d’une route, nous explique d’où sort l’amiante.

Bande-annonce

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