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Sortie Blu-ray : Tirez sur le pianiste de François Truffaut
Deuxième long métrage de Truffaut après les 400 coups (1959), Tirez sur le pianiste est une déclaration d'amour au cinéma de genre américain du cinéaste sous la forme d'un pastiche iconoclaste. On retrouve les références fétichistes au film noir, notamment avec la figure du héros en imperméable dans l'inquiétude nocturne mais avec un traitement des méchants tueurs qui fait plus d'eux des personnages sympathiques que de véritables menaces. Ainsi, l'intrigue policière n'est qu'un prétexte pour solliciter le genre sans pour autant le nourrir en tant que tel. Car les vraies questions sont ici du côté de la masculinité et de la féminité dans des rapports de force et de séduction proposant une relecture des figures classiques du cinéma nord-américain. Les questionnements du héros autour de son rapport aux femmes, de sa réserve maladive et l'affirmation de sa prétendue timidité sont les véritables enjeux du film où le protagoniste est un double de fiction de Truffaut lui-même après l'autobiographie de son adolescence dans son film précédent.
Le film semble réalisé dans l'urgence de faire exister coûte que coûte un nouveau film sans grande prétention ni même ambition, mais en conservant l'énergie propre à la Nouvelle Vague de traiter avec une nouvelle vitalité décomplexée les trames classiques du cinéma de série B américaine. Le film est d'ailleurs une adaptation du romancier David Goodis dans un éloge tout en fantaisie et distance critique. Il s'agit de la première adaptation littéraire à laquelle Truffaut ne va plus cesser dès lors par la suite de recourir.
Tout en reprenant un style non éloigné de Godard dans le détournement de la virilité, le ton virulant en moins, Tirez sur le pianiste vient rappeler que Truffaut était le coscénariste d'À bout de souffle (1960) par ses excentricités cinéphiliques assumées. Le propos du film se développe au profit d'un centrage sur ladite masculinité où les femmes ne jouent qu'une modernité théorique, balançant littéralement entre les rôles de l'épouse adultère sacrifiée, la prostituée bonne copine et l'amante au franc parler objet de désir.
Truffaut sous les traits d'un personnage d'alter ego artiste vivant mal sa notoriété et son rapport aux femmes, débute également son attrait pour les figures du donjuanisme autodérisoire mais cultivant allègrement sa consommation des femmes. Toutes les problématiques de Truffaut sont largement assumées sous les traits d'un Charles Aznavour parfait dans son rôle, sans oublier une apparition enjouée de Boby Lapointe dans un numéro chanté endiablé.
Tirez sur le pianiste
de François Truffaut
Avec : Charles Aznavour (Charlie Kohler / Édouard Saroyan), Marie Dubois (Hélène dite Léna), Nicole Berger (Thérésa Saroyan, la femme d'Édouard), Michèle Mercier (Clarisse, la prostituée), Serge Davri (Plyne, le patron du cabaret), Claude Mansard (Momo, un des frères qui recherchent Charlie), Richard Kanayan (Fido Saroyan), Albert Rémy (Chico Saroyan), Jean-Jacques Aslanian (Richard Saroyan), Daniel Boulanger (Ernest, un des frères qui recherche Charlie), Claude Heymann (Lars Schmeel, l'impresario), Alex Joffé (le passant), Boby Lapointe (le chanteur), Catherine Lutz (Mammy), Laure Paillette (la mère), Alice Sapritch (la concierge)
France – 1959.
Durée : 82 min
Sortie en salles (France) : 25 novembre 1960
Sortie France du Blu-ray : 15 octobre 2024
Format : 2,35 – Noir & Blanc
Langue originale : français – Sous-titres pour sourds et malentendants : français.
Éditeur : Carlotta Films
Bonus :
Présentation du film par Serge Toubiana (3’35”)
Bouts d’essai de Marie Dubois (2’58”)
« Cinéastes, de notre temps : François Truffaut ou l’esprit critique » (INA, 1965, HD, 3’59”)
« Étoiles et toiles : David Goodis par François Truffaut » (INA, 1982, 15’26”)
Bande-annonce originale (1’57”)
Bande-annonce 2024 (1’14”)