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Billet de blog 6 août 2014

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Tante Hilda : une pétillante écolo entre Jacques Tati et Noé

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Sortie Blu-ray de Tante Hilda, de Benoît Chieux et Jacques-Rémy Girerd

Tante Hilda vit heureuse dans on havre de paix qu’est sa serra géante où elle accueilli de nombreuses variétés de plantes pour les préserver de la monoculture intensive et des NGO. La puissante entreprise DOLO a lancé des expériences sur des plantes capables de vaincre la faim dans le monde tout en étant une nouvelle source d’énergie.

Illustration 1
© Folimage

Jacques-Rémy Girerd est devenu depuis le début des années 2000 avec son long métrage La Prophétie des grenouilles et les années 1990 avec sa société de production Folimage, une figure incontournable du cinéma d’animation français contemporain. Tante Hilda était donc d’autant plus attendu qu’il s’agissait en outre d’un projet nourri durant sept années. On sent le souci du détail dans cette démarche, tel un travail d’artisan soucieux d’arriver à l’œuvre la plus satisfaisante. Il est à cet égard touchant que le générique tienne à remercier chaque personne ayant contribué à la naissance de ce film. Le spectateur est lui-même remercié d’être resté jusqu’à la fin dudit générique pour tenir compte du travail de chacun et ne pas se contenter d’un seul nom attribué à un réalisateur ou un producteur. De prime abord, cette démarche artisanale pour concevoir un film est fort appréciable. Ce qui n’empêche pas un budget conséquent, une sortie en salles sur un très grand nombre de copies due à un puissant distributeur : SND. C’est que le cinéma d’auteur en animation intéresse aussi les distributeurs habituellement férus de blockbusters. On trouve également dans les voix principales des « stars » du cinéma français : Sabine Azéma, Josiane Balasko. Il faut avouer que Sabine Azéma est une véritable trouvaille. L’énergie du personnage éponyme semble découler autant du graphisme virevoltant de l’animation que de la voix de sa fabuleuse interprète.

L’autre point fort est l’animation très colorée qui semble de film en film être une marque de fabrique de Jacques-Rémy Girerd. Le trait du dessin est réalisé au stylo et non crayon, ce qui permet d’atteindre le geste du personnage du premier coup quitte à conserver les ratures : c’est bien là le meilleur moyen d’atteindre en animation la représentation de l’humanité avec toutes ses failles et points forts. Dans ce récit au service d’un propos, on note des traits propres à la caricature où ce qui sert le bien est magnifiquement dessiné et inversement pour ce qui est moralement répréhensible. On sait où se place l’humanité pour Jacques-Rémy Girerd et le film prend fait et cause sur la question du danger des OGM. Le scénario ne cache en rien son propos : en cela, il est honnête avec son spectateur. Et la polémique créée par certains prétendus spécialistes émérites qui voient en ce film une œuvre de propagande anti-OGM adressée aux plus jeunes est bien insipide : on ne peut reprocher à un film d’auteur d’exprimer un point de vue. Et le lien entre Tante Hilda et la responsable en chef de la DOLO empêche tout rapide manichéisme. Chaque personnage est une caricature, c’est-à-dire que ce sont des humanités conçues à gros traits pour innerver la pensée et faire réfléchir. Tante Hilda est une écolo-bobo souvent trop sûre d’elle qui ne voit pas l’amour que lui porte un génie de la science tout près d’elle.

Illustration 2
© Folimage

La belle audace du film est de faire un prétendu « film d’animation pour enfants » sans personnages d’enfants. Avec son vélo et son énergie indomptable, Tante Hilda pourrait être l’équivalent d’un Jacques Tati au cinéma, entre son personnage dans Jour de fête et celui de Mon oncle. Le choix de l’âge de son personnage principal participe de la volonté pour le réalisateur-scénariste d’exprimer les préoccupations de sa génération en matière environnementale. Il ne s’agit pas dès lors seulement d’insister sur le danger du vivant et de l’agro-alimentaire pris en charge par des entreprises cotées en bourse dictant ses ordres aux responsables politiques, mais aussi de faire le point sur ce que signifie l’écologie aujourd’hui pour les militants qui ont été actifs dès les années 1970. Ainsi, pour continuer avec la thématique de La Prophétie des grenouilles, les militants écolos ne seraient-ils pas des Noé tentant de sauver toutes les espèces naturelles alors que le reste de l’humanité est destinée à périr ? Et comment accepter de s’isoler dans cette bulle d’arche (une immense serre dans Tante Hilda) en abandonnant les autres à leur triste sort ? Une véritable question qu’ose poser aussi le film.

Illustration 3

Tante Hilda

de Benoît Chieux et Jacques-Rémy Girerd

Avec les voix de : Sabine Azéma, Josiane Balasko, François Morel, Bruno Lochet, Serguei Vladimirov, Gilles Détroit

France, Luxembourg - 2013.

Durée : 89 min

Sortie en salles (France) : 12 février 2014

Sortie France du DVD : 18 juin 2014

Format : Scope – Couleur

Langue : français - Sous-titres : français.

Éditeur : M6 Vidéo

Bonus :

- « Tante Hilda ! 7 ans au cœur du studio Folimage » : making of
- Entretiens avec Jacques-Rémy Girerd, Sabine Azéma et Josiane Balasko
- Bande-annonce

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