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Billet de blog 6 octobre 2025

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Cinémondes 2025 : "Imago" de Déni Oumar Pitsaev

Sa mère lui ayant offert la propriété d'un terrain en Géorgie pour y construire une maison, Déni Oumar Pitsaev part dans ce pays retrouver sa famille tchétchène en exil.

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Illustration 1
Imago de Déni Oumar Pitsaev © New Story

Film de la programmation de Cinémondes, 21e édition du Festival International du Film Indépendant du 30 septembre au 5 octobre 2025 au cinéma Rex d'Abbeville : Imago de Déni Oumar Pitsaev

Chaque fois que la Semaine de la Critique cannoise ouvre timidement encore sa sélection pour un unique film documentaire, celui-ci reçoit le prix de l'Œil d'Or du meilleur film documentaire de toutes les sections cannoises réunies. En espérant que cela permette encore davantage d'ouverture pour un festival officiel toujours à la traîne du côté des sélections documentaires par rapport à Berlin et Venise plus inclusifs en la matière,Imago (2025) de Déni Oumar Pitsaev est un témoignage supplémentaire de la force spécifique de la mise en scène qui n'a rien à envier à la fiction.

Tout d'abord, le réalisateur se sert de la matière même de la réalité de son retour auprès de sa famille tchétchène exilée en Géorgie comme l'enjeu de la construction de son récit, en laissant ouverte l'émergence de l'expression de toute une société autour de différents personnages inoubliables. La caméra est dès lors installée et très rapidement admise sans regard qui lui soit adressée pour créer une intimité auprès des personnes que le cinéaste rencontre. Celui-ci provoque le réel avec ses différences personnelles qui amènent chacun et chacune à s'exprimer pour lui faire épouser une norme sociale. En suivant les membres de sa famille, il lui faudrait ainsi construire une grande maison, exprimer une masculinité extravertie, se marier avec une femme, etc.

Se contentant d'une écoute pour les deux tiers du film, Déni Oumar Pitsaev réalise de manière implicite une mise en scène de l'intérieur en générant systématiquement un dialogue où chacun et chacune se révèlent, le tout avec bienveillance, respect et pudeur. La seule confrontation ouverte se déroulera avec le père mais là aussi malgré tout sans un désir de créer un conflit ouvert pour créer une frontière indépassable.

Si la question de la construction de la masculinité traverse tout le film avec les attentes de chacun et de chacune, le réalisateur ne cherche pas à revendiquer une opinion précise issue de ses propres convictions et de sa sensibilité, ce qui permet à ses interlocuteurs et interlocutrices de révéler leur propre vulnérabilité cachée, comme son cousin Daoud qui construit une maison-château fort au cœur de laquelle se trouve une bibliothèque où les hommes peuvent se cacher pour pleurer (sic).

Le cinéaste fait ainsi preuve d'une infinie patience tout en travaillant sur des compositions d'images d'une grande précision qui doit beaucoup au talent du chef opérateur Sylvain Verdet, où comme dans La Couleuvre noire (2025) d'Aurélien Vernhes-Lermusiaux, la non compréhension de la langue des personnes lui permet de se concentrer avec acuité sur la signification de l'inscription des corps dans un milieu pour l'essentiel naturel.

Imago traite également de la difficulté d'habiter un territoire tout en se sentant partout en exil, que ce soit en Géorgie comme dans son pays d'accueil en Belgique, alors que sa Tchétchénie natale se trouve être interdite d'accès pour toute une diaspora. Dès lors, différentes langues se croisent sans pour autant qu'il s'agisse de la langue maternelle de chacun, dans une difficulté de trouver la bonne correspondance qui permette ainsi un dialogue inhérent profond.

Illustration 2

Imago
de Déni Oumar Pitsaev
Documentaire
109 minutes. France, Belgique, Géorgie, 2025.
Couleur
Langues originales : tchétchène, russe, géorgien

Avec : Déni Oumar Pitsaev
Scénario : Déni Oumar Pitsaev, Mathilde Trichet
Images : Sylvain Verdet, Joachim Philippe
Montage : Laurent Sénéchal, Dounia Sichov
Son : Marie Paulus, André Rigaut, Joseph Squire, Hélène Clerc-Denizot, Emmanuel De Boissieu
Production : Alexandra Mélot, Anne-Laure Guégan, Géraldine Sprimont
Directeur de la production : Nicolas Lebecque
Distributeur (France) : New Story
Ventes Internationales : Rediance
Presse : Karine Durance, Stanislas Baudry

Sortie salles (France) : 22 octobre 2025

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