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Billet de blog 7 novembre 2018

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L'adultère ou les compromissions criminelles d'une Espagne franquiste

María Jose, épouse d'un puissant industriel, vit une relation adultère avec Juan, universitaire pistonné. Un homicide involontaire les conduit à les mettre en face de leurs propres compromissions.

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Illustration 1
"Mort d'un cycliste" de Juan Antonio Bardem © Tamasa

Au sujet du DVD : Mort d'un cycliste de Juan Antonio Bardem

Le titre du film est également celui d'un fait divers d'un journal dans le film : cet événement tragique de la mort d'un inconnu est ainsi présenté dans une profonde indifférence, celle de la dictature catholico-conservatrice de l'Espagne de Franco. Après la découverte de Bienvenue Mr Marshall réalisé par Luis Garcia Berlanga quelques années plus tôt (1953) coécrit avec Juan Antonio Bardem, Mort d'un cycliste révèle un nouveau cinéma espagnol qui pose un regard critique sur la société malgré la censure omniprésente. Sur le papier, il est question d'un couple adultérin dont le péché est sévèrement puni autour d'un homicide. Sauf que pour Juan Antonio Bardem, cette histoire d'adultère n'est qu'un prétexte à poser le vrai sujet de son film : les compromissions de toute une partie de la société espagnole, notamment la bourgeoisie et plus particulièrement la haute bourgeoisie qui profite directement des retombées du régime franquiste. En effet, María Jose, la femme qui a fait un mariage de raison pour bénéficier du confort économique que lui propose son riche chef d'entreprise de mari, n'est pas prêt à le quitter, plutôt capable d'assumer un homicide pour conserver son train de vie. C'est bien là une puissante métaphore d'une part de ces profiteurs de la dictature, qui la soutiennent en fermant les yeux sur tous les crimes commis au nom des valeurs catholiques, anticommunistes et conservatrices du régime. Si la mise en scène est fortement influencée par celle de Michelangelo Antonioni, que rappelle d'ailleurs la présence de Lucia Bosé (inoubliable actrice d'Antonioni dans Chronique d'un amour), le film navigue à la fois entre le néoréalisme italien à travers la découverte de la pauvreté que cache l'anonymat du cycliste décédé, et le sens du montage d'Eisenstein dans la confrontation de séquences distinctes mais à la portée symbolique immense, comme ce jet de pierre d'un étudiant dans une vitre, incarnant la nécessité de briser le pouvoir enfermé sur lui-même, associé à un autre précédent jet de verre !
Le film est un brûlot politique qui conserve toute sa force aujourd'hui pour comprendre la société espagnole des années 1950 ! Pour refléter également la compromission de la classe intellectuelle, le personnage de Rafa, faux-vrai maître chanteur sombrant dans l'alcool, le mépris de lui-même et la classe sociale franquiste qu'il sert, est aussi d'une grande pertinence pour croquer un état des lieux de la société. En outre, l'espoir du cinéaste à l'égard de la dictature se trouve dans la jeunesse, à travers la représentation d'une manifestation étudiante solidaire face à l'injustice criante de l'autorité professorale universitaire. Le film se fait là aussi le porte parole d'une société qui commence à remuer dans l'ombre de la dictature.

Illustration 2

Mort d'un cycliste
Muerte de un ciclista
de Juan Antonio Bardem
Avec : Lucia Bosé (María Jose de Castro), Alberto Closas (Juan Fernández Soler), Carlos Casaravilla (Rafà (Rafael Sandoval)), Otello Toso (Miguel Castro), Bruna Corrà (Matilde Luque Carvajal), Alicia Romay (Carmina), Julia Delgado Caro (Doña María), José Sepúlveda (le commissaire), Matilde Muñoz Sampedro (la voisine du cycliste mort), José Prada (Decano), Fernando Sancho (le sergent de police), Manuel Alexandre (le cycliste), Manuel Arbo (P. Iturioz), Emilio Alonso (Jorge)
Espagne, 1955.
Durée : 88 min
Sortie en salles (France) : 7 septembre 1955
Sortie France du DVD : 15 octobre 2013
Format : 1,33 – Noir & Blanc
Langue : espagnol - Sous-titres : français.
Éditeur : Tamasa
Bonus :
Livret : Un souffle nouveau (12 pages)

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