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À propos du DVD : Temps sans pitié de Joseph Losey
Une jeune femme est assassinée et son petit ami, Alec, est inculpé et condamné à la peine de mort. 24 heures avant son exécution, son père David débarque à Londres pour tenter de l'innocenter. Mais David doit également lutter contre sa dépendance à l'alcool qui l'a toute sa vie éloigné de son propre fils.
Depuis quelques années en exil en Angleterre, Joseph Losey adopte avec Temps sans pitié une synthèse entre le polar US et le drame psychologique à l'anglaise. Mais dès la première séquence, le genre policier est dynamité avec un meurtre où l'identité du tueur est ouvertement montrée au spectateur. Ainsi, l'enjeu de cette course contre la montre pour un père afin de sauver son fils se situe complètement du côté de l'évolution dudit père, venu in extremis racheté la faute de toute une vie à n'avoir pas été le père désiré. Car David Graham souffre d'alcoolisme et son chemin pour sauver son fils est davantage un chemin qui mène à sa propre rédemption. Il est curieux de constater que Joseph Losey suit une carrière inverse d'Alfred Hitchcock qui s'épanouit à Hollywood après avoir quitté le Royaume-Uni. Joseph Losey, contraint de quitter son pays d'origine, trouve une nouvelle jeunesse d'inspiration au sein de l'industrie du cinéma anglais, au moment où celui-ci est en train de vivre un vent nouveau intitulé Free Cinema. En s'opposant à la dynamique policière du suspense d'Hitchcock, Losey semble vouloir démontrer l'intérêt d'explorer une voie toute personnelle dans son nouveau pays d'accueil. Il n'est pas anodin non plus qu'il fasse appel pour interpréter son personnage principal à Michael Redgrave qui avait débuté sa carrière au cinéma en jouant dans Une femme disparaît d'Hitchcock vingt ans plus tôt. Ici, Losey ne pose pas une énigme policière aux spectateurs mais leur propose de s'identifier le temps d'un film à un homme au bord de la déchéance sociale. On ne saura jamais ce qui a conduit cet homme à s'abandonner à la bouteille, si ce n'est peut-être le pouvoir de celle-ci d'effacer toute mémoire. Or, c'est de ceci dont il aura le plus besoin au cours de ces vingt-quatre heures où il est amené à rencontrer l'entourage de son fils à la recherche d'un quelconque indice. Le fil de cette enquête est cousue de fil blanc et en ce sens le film constitue un très mauvais policier avec des scènes improbables et des raccourcis temporels peu crédibles. Mais le cinéaste choisit délibérément de mettre son personnage déchu au centre de sa mise en scène, à tel point que le film pourrait être comme une vision subjective des divers événements évoqués. En ce sens, le souci réaliste n'a plus cours et Losey peut se lâcher à quelques élans expressionnistes comme dans la scène chez la mère de Vicky Harker où les horloges réveils occupent tout l'espace visuel, sonore et psychologique.
Faisant le pendant de deux décennies, les années 1950 et 1960, qui interrogent la place d'une nouvelle jeunesse qui ne trouve plus aucun repère dans la génération qui la précède (cf. l'emblématique La Fureur de vivre réalisé deux plus tôt), Temps sans pitié se concentre sur cette génération qui a connu la guerre et qui, traumatisée, n'a pas su maintenir le dialogue avec ses enfants. Dès la première rencontre entre le père et le fils à la prison, le grand drame pour le père est de voir son fils renoncer à tout, à commencer par son attachement à la vie. Ce constat semble d'ailleurs plus effroyable que l'échéance de la peine de mort. Ainsi, le personnage principal incarne le malaise de toute une génération sacrifiée durant le conflit mondial qui ne sait plus quel rôle jouer vis-à-vis de la suivante. D'une certaine manière, le film est à cet égard un bon annonciateur des mouvements cinématographiques pris en charge par une nouvelle génération de cinéastes dont une grande partie fera du portrait de la jeunesse contemporaine l'objet central de ses préoccupations.
Temps sans pitié
Time without Pity
de Joseph Losey
Avec : Michael Redgrave (David Graham), Leo McKern (Robert Stanford), Ann Todd (Honor Stanford), Paul Daneman (Brian Stanford), Peter Cushing (Jeremy Clayton), Alec McCowen (Alec Graham), Renee Houston (Mrs. Harker), Lois Maxwell (Vicky Harker), Richard Wordsworth (Maxwell), George Devine (Barnes), Joan Plowright (Agnes Cole)
Royaume-Uni – 1957.
Durée : 88 min
Sortie France du DVD : 23 septembre 2013
Format : 1,33 – Noir & Blanc
Langue : anglais - Sous-titres : français.
Éditeur : Doriane Films
Bonus :
Livret de 12 pages de Philippe Pilard, auteur et réalisateur de films, spécialiste du cinéma anglais
lien vers le site de l’éditeur : http://www.dorianefilms.com/description.php?id=779&path=15&PHPSESSID=cfae6a32087ff889b5aeed89b720647b