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Billet de blog 10 février 2024

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"Bernadette" de Léa Domenach

Bernadette Chirac est ignorée voire humiliée par son époux alors que celui-ci arrive à la présidence suite à ses nombreux conseils toujours très perspicaces quant à la compréhension de la société. Elle décide de prendre sa revanche en menant ses propres actions politiques indépendamment de son époux.

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Illustration 1
Bernadette de Léa Domenach © Warner

Sortie DVD : Bernadette de Léa Domenach

Le film aurait pu s'intituler « La Revanche d'une blonde » par sa volonté de remettre en avant une femme contrainte à rester dans l'ombre du pouvoir patriarcal de son époux. Si le titre est celui sobre du prénom de l'épouse et de la femme politique, dans une volonté de se débarrasser d'un nom marital étouffant, c'est afin de créer une proximité avec le public. De là à faire de Bernadette, à l'instar de la poupée Barbie du film de Greta Gerwig, une personnalité féministe en lutte contre le patriarcat de son époque, avec tout le paradoxe antinomique que cela présente, il n'y a qu'un pas que la réalisatrice et coscénariste Léa Domenach franchit allègrement pour son premier long métrage.

La démarche est originale et audacieuse mais au final on est loin de la description du pouvoir présidentiel et de son milieu décrit par Bertrand Tavernier dans Quai d'Orsay (2013). Certes, le récit se concentre sur Bernadette avec une touche ironique annoncée dès l'introduction du film avec un chœur chantant qui accompagne comme dans le théâtre grec antique tout le déroulement du film. Entre la caricature jubilatoire et la retranscription journalistique fidèle d'un personnage politique, la réalisatrice assume pleinement de conserver en même temps ces deux points de vue avec comme dimension résolument paradoxale d'effacer les convictions politiques personnelles de cette femme de droite issue d'une riche famille qui doit ses titres de noblesse à Napoléon III.

L'entreprise de la réalisatrice qui bénéficie d'un excellent casting, consiste à proposer une figure pop apolitique consommable par toutes et tous, dans une logique contemporaine macronienne d'effacer les revendications des divers courants politiques : dans un monde où tout s'équivaut, il est dès lors possible d'entrer en empathie avec un personnage qui n'a plus à affirmer ses convictions politiques. Le point de vue de Léa Domenach est ainsi à questionner et sa complaisance avec la sphère du pouvoir présidentiel aurait mérité un ton résolument satirique, puisque c'est bien les mandats présidentiels de Jacques Chirac qui vont installer durablement le pouvoir du Front-Rassemblement National jusqu'à la droitisation décomplexée contemporaine.

Chaque acteur et actrice compose son personnage avec un véritable soin, en cherchant l'incarnation la plus juste jusque dans le mimétisme facial et des tenues à l'instar de Laurent Stocker dans le rôle de Nicolas Sarkozy. Le film repose surtout sur un brillant casting avec un Michel Vuillermoz en président imbu de lui-même, séducteur, manipulable et stupide dans une caricature délicieuse à souhait. Le film doit beaucoup à un ton issu d'un roman graphique tandis que la réalisation mièvre sans être pour autant ratée, manque cruellement d'une écriture scénaristique singulière. L'enjeu est ici plus proche du consensus que d'une véritable réflexion politique sur la France contemporaine héritière des décennies passées d'exercice du pouvoir.

Illustration 2

Bernadette
de Léa Domenach
Avec : Catherine Deneuve (Bernadette Chirac), Denis Podalydès (Bernard Niquet), Michel Vuillermoz (Jacques Chirac), Sara Giraudeau (Claude Chirac), Laurent Stocker (Nicolas Sarkozy), François Vincentelli (Dominique de Villepin), Lionel Abelanski (Yvon, le chauffeur), Artus (David Douillet), Scali Delpeyrat (Jacky-Pierre, le majordome), Barbara Schulz (Aurore), Vincent Primault (Xavier Bertrand), Olivier Balazuc (Alain), Maud Wyler (Laurence Chirac), Jacky Nercessian (Père Mouret), Olivier Breitman (Karl Largerfeld), Louis-Marie Audubert (le voisin bavard), Bertrand Goncalves (l'assistant de Bernadette), Patrick Paroux (Maître Grundmann), Christian Scelles (le président du conseil général), Thierry Souffir (le conseiller général de Corrèze), Aloïs Menu (le caviste du marché), Lionel Aknine (le charcutier du marché), Florence Prévost (Françoise, la cliente marché), Libérette Coutier (Marguerite, la femme de la dédicace), Émilie Pierson (l'infirmière de Laurence), Stéphane Hausauer (le gendarme à l'éthylotest), Laurence Oltuski (le journaliste de Paris Match), Stéphane Boucher (le médecin du Val-de-Grâce), Jérémie Graine (le journaliste en 2002), Philippe Couerre (le journaliste PQR), Léo Fernique, Marie-Claude Barthélémy, Jean-Marie Doucet, Serge Fortin, Guy Givry, Françoise Guerchovitch, Bernard Hubert, Camila Rocaboy, Claudine Scali, Caroline Vettori Charnassé, Nicolas Certenais, Martin Laskawiec, Marion Rybaka et Julia Scoatariu (les choristes)
France, 2023.
Durée : 93 min
Sortie en salles (France) : 4 octobre 2023
Sortie France du DVD : 7 février 2024
Format : 1,85 – Couleur
Langue : français - Sous-titres : français pour sourds et malentendants.
Éditeur : Warner Bros. Entertainment France

Bonus :
Scènes coupées :
« Poil aux oreilles »
« Poterie »

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