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Billet de blog 10 mars 2018

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Rire sous les bombes et le plomb de l’Italie des années 1970

Le cinéma italien, en pleine effervescence depuis le néoréalisme italien d’après-guerre, a trouvé dans la "comédie à l’italienne" l’un des moyens de répondre au contexte social.

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 À propos du livre Rire de plomb de Rémi Fournier Lanzoni

On n’insistera jamais assez sur la capacité du cinéma à réagir à son époque et à faire de tout film des expériences politiques, aussi bien en tant que documents inestimables pour les historiens à venir que véritables moments de catharsis pour les spectateurs contemporains des films. L’Italie des années 1970 a traversé l’une des décennies les plus douloureuses d’Europe sous la violence terroriste de mouvements politiques qui ont décidé de suivre la lutte armée. Cette période trouble continue aujourd’hui encore à conduire la société italienne à s’interroger, encore divisée quant à l’interprétation des événements passés. Le cinéma italien, en pleine effervescence depuis le néoréalisme italien d’après-guerre, a trouvé dans la "comédie à l’italienne" l’un des moyens de répondre au contexte social. Il ne fut pas le seul et le western politique, notamment, a su traduire à sa manière avec une précision au scalpel la une époque douloureuse. Rémi Fournier Lanzoni, professeur à l’Université Wake Forest en Caroline du Nord, auteur de livres écrits en anglais sur le cinéma français et la comédie italienne, a décidé avec Rire de plomb publié aux éditions L’Harmattan de mettre en valeur des cinéastes italiens qui ont contribué à enrichir la tradition multiséculaire de la commedia dell’arte en l’adaptant au propos cinématographique. L’une des problématiques que sous-entend le titre pourrait être : comment et pourquoi rire durant une époque traversée par la violence aveugle du terrorisme ? Paru en 2017, cet ouvrage pourrait aussi bien dialoguer avec la France de 2010 gravement blessée par une vague d’attentats terroristes d’un tout autre genre que les années de plomb en Italie. Ainsi, on pourrait alors s’interroger, après la lecture de ce livre, pour savoir si les comédies françaises de cette période marquée par le terrorisme dialoguent avec le traumatisme inconscient des spectateurs français, qu’il s’agisse des comédies populaires apparemment anodines comme des comédies indépendantes du cinéma d’auteur. Quoi qu’il en soit, l’analyse de Rémi Fournier Lanzoni est des plus pertinentes dans la confrontation entre une période historique et tout un corpus filmique mettant aussi bien en valeur des cinéastes que des acteurs, chacun incarnant à leur manière par leurs choix esthétiques, l’inconscient collectif de toute une période. La comédie italienne sait alors se faire cruel, cynique, virulente et grotesque avec une efficacité qui font tout le sel de la commedia all’italiana. Après avoir brossé à grands traits une décennie historique en Italie à travers sa vague d’attentats, Rémi Fournier Lanzoni prend le temps d’analyser plusieurs films incontournables de cette période, sans chercher l’exhaustivité ni les grands traits esthétiques et économiques de cette période. Il n’est pas ainsi question du contexte de réception de ces films mais plutôt du miroir déformé que ceux-ci offrent à ses contemporains. Il manque ainsi une analyse historico-sociologique pour comprendre l’impact précis sur la société italienne. À cet égard, l’auteur de cet ouvrage se situe davantage dans la perspective de l’historien du cinéma qui connaît jusqu’au bout des ongles son sujet, la comédie à l’italienne, et qui souhaite la mettre une fois de plus en avant comme un outil cathartique incontournable pour la société, où comment la prétendue entreprise de divertissement qu’est la production cinématographique du cinéma italien participe à sa manière à la construction d’un espace social autoréflexif. Avec un humour corrosif, le comédie italienne des années 1970 a proposé des séances d’autopsychanalyse à son public national. Ensuite, les années 1980 ont été marquées par l’ère berlusconienne du spectacle télévisuel de masse et une comédie à l’italienne qui se déplace de la comédie populaire à l’autoportrait acide de réalisateurs-acteurs à l’instar de Roberto Benigni et surtout de Nanni Moretti. Rémi Fournier Lanzoni offre ici une analyse inédite d’une période charnière du cinéma italien et par là de la société italienne, analysant par la même occasion les spécificités de la comédie à l’italienne tout en rendant hommage à ses créateurs : acteurs et réalisateurs mis au même niveau de considération.

Illustration 1

Rire de plomb : la comédie à l’italienne des années 70
de Rémi Fournier Lanzoni

Nombre de pages : 264
Format : 15,5 x 24 cm
Date de sortie (France) : 15 mai 2017
Éditeur : L’Harmattan
Collection : Champs Visuels

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