Sortie DVD de Hungry Hearts, de Saverio Costanzo
Mina et Jude font connaissance alors qu’ils sont enfermés dans les toilettes d’un restaurant asiatique à New York. Leur histoire se poursuit en vie de couple dans un appartement. Mina tombe enceinte. Alors que Jude est très pris par son travail, Mina appréhende le milieu médical ainsi que son environnement immédiat. S’inquiétant pour son enfant, elle consulte une voyante qui lui fait une curieuse révélation.
Pour son quatrième long métrage, dix ans après son premier Private, le cinéaste italien Saverio Costanzo tourne son film à New York avec son actrice fétiche Alba Rohrwacher (vue récemment dans Les Merveilles d’Alice Rohrwacher et Palerme d’Emma Dante). Le film commence sous la forme d’une comédie romantique avec une scène cocasse dans des toilettes, qui pourra être interprétée avec davantage de noirceur au fil de l’évolution du film. L’ingéniosité de la mise en scène de Saverio Costanzo est ici concentrée. En un long plan-séquence, deux personnages dans un espace étroit et intime sont contraints à faire cause commune pour trouver une solution. Rarement une introduction de film n’a autant contenu tout le film lui-même. Car cet espace exigu préfigure l’appartement à venir du couple, de même que leur vie contrainte dans un monde fermé dont on n’entrevoit guère d’horizon. En cela, le cinéaste a très bien choisi sa ville de tournage : on ressent alors toute la claustrophobie que peut générer New York. Mina a beau installer une serre où elle cultive les plantes qui permettront de nourrir son foyer, son combat semble perdu d’avance, tant elle est dès lors contrainte de s’isoler davantage du monde extérieur, entraînant son enfant dans cette fuite perdue. On pense par cette mise en scène ainsi que par son sujet à Rosemary’s Baby de Roman Polansky : les deux acteurs principaux d’Hungry Hearts évoquent d’ailleurs beaucoup le jeu de John Cassavetes et Mia Farrow. À la différence cependant du film de Polansky, Saverio Costanzo privilégie la multiplicité des points de vue, de telle sorte qu’en épousant le regard de l’un ou l’autre des protagonistes, il invite le spectateur à interroger chacun sans jamais les condamner. De la comédie romantique, on navigue très vite, une fois l’introduction passée, dans les eaux du thriller psychologique. Loin du film à thèse, Saverio Costanzo, fasciné par sa lecture du roman de Marco Fansozo, livre ici une adaptation où il se confronte à ses propres peurs, en tant qu’individu dans un couple mais aussi en tant que parent. Le film se prête aisément aux multiples métaphores avec un couple enfermé sur lui-même, appréhendant dès lors d’autant plus un monde extérieur menaçant (évocation d’une politique nationale bien contemporaine). Les cadrages très rapprochés sur les personnages ne laissent aucune échappatoire : le spectateur est invité à partager leurs inquiétudes au plus près du grain de leur peau. Tout se passe comme si en dehors de leur corps, le monde n’existait pas. Au final, cette histoire interroge le besoin irrépressible d’être aimé et d’aimer, avec cette attitude limite où l’on en vient à devenir violent pour protéger l’autre alors qu’il n’a rien demandé de tel. Un drame intimiste porté par deux excellents comédiens, Alba Rohrwacher et Adam Driver, qui ont bien mérité chacun leur prix d’interprétation au festival de Venise 2014. Si l’on peut se sentir frustré parfois de ne pas voir développer davantage la psychologie des personnages expliquant leurs attitudes, c’est un parti pris totalement assumé par le cinéaste qui ne veut pas les enfermer dans un jugement hâtif. Même si l’ombre d’Une femme sous influence de John Cassavetes plane fortement sur le film, Saverio Costanzo ne cherche nullement à rivaliser avec ce chef-d’œuvre et préfère plus modestement se concentrer sur des interrogations personnelles et intimes. Une fois ainsi délimité son projet et ses influences, toute liberté lui est offerte de maintenir de bout en bout sa propre mise en scène. Une sage démarche.
Hungry Hearts
Hungry Hearts
de Saverio Costanzo
Avec : Alba Rohrwacher (Mina), Adam Driver (Jude), Jake Weber (Dr. Bill), Natalie Gold (Jennifer), Victoria Cartagena (Monica), Cristina J. Huie (l'agent de police du NYPD), Victor Williams
Italie – USA, 2014.
Durée : 113 min
Sortie en salles (France) : 26 février 2015
Sortie France du DVD : 7 juillet 2015
Format : 2,35 – Couleur
Langues : anglais, français - Sous-titres : français.
Éditeur : BAC Films