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Billet de blog 12 mars 2018

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Par l’âme hantée de Desplechin, entre famille, cinéma et vie sentimentale

Ismaël, réalisateur insomniaque, court en pleine nuit auprès du célèbre réalisateur Henri Bloom, hanté par sa fille Carlotta, disparue il y a plus de vingt ans. Carlotta était l’épouse d’Ismaël qui la laissé veuf en disparaissant un jour sans laisser de traces. Alors qu’Ismaël tombe amoureux de Sylvia, Carlotta réapparaît.

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Illustration 1
"Les Fantômes d’Ismaël" d’Arnaud Desplechin © Le Pacte

Sortie DVD : Les Fantômes d’Ismaël d’Arnaud Desplechin

Si la psyché d’un personnage était une assiette servie pour un repas, le choix de mise en scène d’Arnaud Desplechin consisterait à éclater en mille morceaux épars ladite assiette afin d’en révéler à la lumière du cinématographe tous les interstices, suspendant un potentiel repas qui n’est autre qu’un moment où la vie se régénère. Les récits et les situations ici se chevauchent, de l’histoire d’espionnage du scénario d’Ismaël qui se réfère à son frère diplomate tout en reprenant le personnage de Dédalus et d’une trouble affaire d’espionnage avec les pays de l’Est tout droit issue de La Sentinelle (1992) et Trois souvenirs de ma jeunesse (2015), en passant par la vie sentimentale d’Ismaël traversée par une femme aimée et le fantôme d’un amour de jeunesse… Les Fantômes d’Ismaël est ainsi autant chargé de la vie, de l’œuvre de Desplechin que de l’histoire du cinéma avec ce trio amoureux où deux femmes s’affrontent sur une île (ici Noirmoutier) comme dans un film d’Ingmar Bergman, la structure éclatée du récit qui est le pendant de la pensée inachevée d’un artiste à l’instar du 8 ½ de Fellini… Le personnage du cinéaste génial autodestructeur quittant sans prévenir un tournage pour s’enfermer dans la grotte d’une maison de famille n’est pas sans rappeler l’évocation de la personnalité de Jean Eustache comme l’a présentée Luc Béraud dans son livre Au travail avec Eustache. Moins ambitieuse que son précédent film Trois souvenirs de ma jeunesse qui brassait toute la psyché d’un illusionniste qui par son pouvoir de séduction construisait des fictions fascinantes à l’instar du cinéaste, Arnaud Desplechin apporte dans Les Fantômes d’Ismaël une fantaisie ludique au cœur de son récit dramatique qui aborde le romanesque et l’espionnage par une fiction au cœur de la fiction, pour mieux convoquer tous les fantômes du cinéma. Le cinéma de Desplechin est ici foncièrement bourgeois dans les préoccupations de cet intellectuel qui n’a jamais à se soucier de manger ni de comment payer son loyer, qu’il s’agisse de cette resplendissante maison sur l’île de Noirmoutier, de son appartement parisien ou encore de sa maison de famille à Roubaix. En pleine vague dominante de cinéma réaliste contemporain, Desplechin affirme avec une profonde conviction sa vision romanesque torturée de la vie et propose une brillante synthèse de l’âme de ses personnages qui semblent traverser tous ses films, notamment avec l’appui fidèle du toujours magnifique Mathieu Amalric mais aussi de Marion Cotillard et Charlotte Gainsbourg en figures féminines antithétiques, l’une se révélant à l’autre pour mieux identifier les petites lâchetés d’une masculinité à l’égard de cette question centrale : pourquoi les morceaux brisés de la vie ne peuvent pas se recoller ?

Illustration 2

Les Fantômes d’Ismaël
d’Arnaud Desplechin
Avec : Mathieu Amalric (Ismaël Vuillard), Marion Cotillard (Carlotta Bloom, l'épouse disparue d'Ismaël), Charlotte Gainsbourg (Sylvia, l'astrophysicienne), Louis Garrel (Ivan, le diplomate, rôle principal du film d'Ismaël), Alba Rohrwacher (Arielle / Faunia, amie d'Ivan), László Szabó (Henri Bloom, le père de Carlotta), Hippolyte Girardot (Zwy, le producteur d'Ismaël), Jacques Nolot (Clairevoie), Catherine Mouchet (la médecin de Bloom), Samir Guesmi (le médecin), Bruno Todeschini (le responsable sécurité de l'ambassade à Alma-Ata), Marc Prin (Jacques, le premier diplomate), Merouan Talbi (le voisin à Roubaix)
France, 2017.
Durée : 129 min
Sortie en salles (France) : 18 mai 2017
Sortie France du DVD : 14 février 2018
Format : 2,35 – Couleur
Langue : français.
Éditeur : Le Pacte
Bonus :
Entretien avec Arnaud Desplechin (15’)
Bande-annonce

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