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Sortie DVD : La Forteresse d’Avinash Arun
Sous la forme d'une chronique initiatique où un enfant est appelé à grandir, Avinash Arun signe un premier long métrage formellement très soigné et maîtrisé reposant sur ses propres souvenirs d'enfance. Le film rejoint le propos de la longue liste des grands moments du septième art qui se sont intéressés à l'enfance : Les 400 coups de Truffaut, Kes de Ken Loach, toute une série de films de Kiarostami... Le regard proposé au spectateur est ainsi d'autant plus universel que le thème de la fin de l'enfance, les relations de pouvoir entre les individus pour pouvoir s'affirmer dans un nouveau milieu dépassent les frontières. Qui plus est, Avinash Arun a choisi d'inscrire sa démarche dans la lignée du cinéma d'auteur indien et mondial. Ainsi, on est loin ici des productions bollywoodiennes avec cet art cultivé de l'ellipse, d'un monde appréhendé en permanence à partir du regard et des peurs d'un enfant. Le rythme est volontairement lent, épousant les attentes et les incertitudes du personnage principal. Toute la construction du film repose sur un usage intensif des symboles qu'annonce clairement le titre : quelle est cette forteresse au-delà de la construction architecturale filmée qui joue un rôle majeur dans l'histoire de Chinmay ? La forteresse devient le lieu spirituel de protection que recherche inconsciemment Chinmay pour trouver sa place dans le nouveau milieu social auquel il est confronté. Dans cette histoire, le phare trouve une place dans le dénouement puisqu'il symbolise rien moins que la mère qui conserve toujours la lumière de son foyer comme de son cœur allumée pour accueillir son fils voguant sur les flots déchaînés de ses incertitudes. En assurant lui-même l'image du film en qualité de chef opérateur, Avinash Arun place résolument son écriture dans ses cadres et ses choix de lumière toujours hautement significatifs, qu'il s'agisse du bleu nocturne où erre en guise d'introduction Chinmay, le vert d'une nature tropicale exubérante, le ralenti paradoxal de l'arrivée de la course filmée en plein effort dans une montée, etc. Rien de gratuit dans ces belles images de la nature qui est d'autant plus magnifiée que Chinmay est invité à développer ses racines avant de poursuivre son mouvement vers une autre destination.
Le symbolisme se trouve aussi dans le choix des prénoms et le statut des enfants : les amis sont au nombre de 5 à l'instar des cinq catégories sociales issues du système des castes qui est encore présent en Inde. Ainsi, l'étymologie du prénom Chinmay est associée à la connaissance tout comme son rôle d'enfant intelligent l'atteste ainsi que son le fil qu'il porte sur son épaule : tout fait de lui un enfant de la caste brahmane, même si ce terme n'est jamais utilisé par les personnages. L'intouchable est celui qui se retrouve le plus facilement exclu du groupe d'ami comme le montre bien l'image où les quatre enfants sont assis l'un à côté de l'autre sur le même rocher admirant le soleil couchant alors que le cinquième est seul sur son rocher. Le parcours de Chinmay qui doit cesser d'être arrogant et de regarder de haut ses proches témoigne ainsi de la volonté du cinéaste de réunir les citoyens indiens séparés par le système des castes. La confrontation avec le passé colonial anglais que symbolise également le phare et la forteresse, permet de réfléchir la société indienne contemporaine au vu du poids de sa tradition. Car c'est également là un autre conflit porté par ce jeune Chinmay issu de la ville très moderne de Pune et qui se retrouve dans un milieu provincial côtier plus traditionnel.
La version longue proposée en bonus du DVD offre une plus grande place au personnage de la mère de Chinmay qui doit lutter dans son travail contre la corruption ambiante institutionnalisée. Elle incarne ainsi la femme moderne qui ne se condamne plus dans le rôle de veuve éplorée contrainte à quitter la société civile. La mère de Chinmay ose occuper un poste administratif à responsabilité afin de répondre aux nécessités de son foyer tout autant que de son indépendance individuelle. Pour cette raison, alors que la version courte se concentre exclusivement sur le regard subjectif de l'enfant, la version longue offre un regard plus large de la société indienne contemporaine.

La Forteresse
Killa
d’Avinash Arun
Avec : Amruta Subhash, Archit Devadhar, Parth Bhalerao, Gaurish Gawade, Swanand Raikar, Atharva Upasni
Inde – 2014.
Durée : 75 min
Sortie en salles (France) : 7 octobre 2015
Sortie France du DVD : 1er mars 2016
Format : 2,35 – Couleur
Langue : marathi - Sous-titres : français.
Éditeur : ARTE Éditions
Bonus :
Le film en version longue (103’ - VOST 5.1)