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Billet de blog 13 avril 2014

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De la difficulté à commencer à travailler mais aussi à s’arrêter : « Les Chèvres de ma mère », un documentaire de Sophie Audier

Au cinéma à partir du 16 avril 2014. Dans les Gorges du Verdon, Maguy élève ses chèvres depuis le début des années 1970, commercialisant son propre fromage de chèvre. Au fil des décennies, elle a réussi à passer outre l’imposition des nouvelles normes drastiques pour la fabrication du fromage de chèvre. Elle utilise ainsi plus ou moins les mêmes méthodes que celles de ses débuts. Mais voilà qu’avec l’âge il est temps pour elle de penser à s’arrêter et se mettre en retraite.

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Au cinéma à partir du 16 avril 2014.

Dans les Gorges du Verdon, Maguy élève ses chèvres depuis le début des années 1970, commercialisant son propre fromage de chèvre. Au fil des décennies, elle a réussi à passer outre l’imposition des nouvelles normes drastiques pour la fabrication du fromage de chèvre. Elle utilise ainsi plus ou moins les mêmes méthodes que celles de ses débuts. Mais voilà qu’avec l’âge il est temps pour elle de penser à s’arrêter et se mettre en retraite. Pour cela, il lui faut transmettre son cheptel et ses terres à une nouvelle agricultrice désireuse de s’installer. Il s’agit d’Anne-Sophie, qui suit un stage chez Maguy pour recevoir son savoir-faire. Les relations ne sont pas souvent faciles car au fond Maguy a du mal à accepter de passer la main et transmettre ses chèvres. Pendant ce temps, Sophie Audier, la fille de Maguy, qui travaille dans le cinéma en tant que scripte depuis plusieurs années, est revenue à la ferme tourner un documentaire sur sa mère, recueillant à la caméra la mémoire de cette transmission. La réalisatrice, derrière sa caméra, n’hésite pas à intervenir par sa voix, s’approchant aussi bien des confidences de sa mère que d’Anne-Sophie. Durant le temps de ce documentaire se joue une interaction triangulaire entre ces personnages, au fil des saisons, des naissances chez les chèvres et du travail à la ferme. Ce documentaire ne ressemble à aucun autre sur le monde rural. Tout d’abord parce qu’il se concentre sur une communauté quasiment féminine autour de cette double question : comment d’un côté on prépare la fin d’une activité agricole et comment d’un autre côté à l’époque actuelle est-il possible de pouvoir reprendre cet héritage ? Contrairement à ce que pourrait laisser supposer la trilogie paysanne de Raymond Depardon, non, le monde paysan n’est pas mort mais au fil des décennies il s’est bien modifié, rendant difficile le dialogue entre les générations autour d’une même activité. Il y a toujours une nouvelle génération soucieuse de son environnement immédiat et souhaitant mettre à profit les savoir-faire d’hier, mais tout en se confrontant aux démarches administratives périlleuses du monde moderne, surtout lorsqu’elles sont en outre associées à une harmonisation avec des réglementations européennes.

Illustration 1

Pour autant, l’intérêt de ce documentaire se trouve davantage dans les relations humaines et les trois personnages présentés sont des plus émouvants. Et ce n’est pas parce que la réalisatrice filme sa mère qu’elle sera plus tendre dans le portrait qu’elle fera de celle-ci. Mais ici, il ne s’agit pas de pointer du doigt les défauts des uns et des autres, mais de montrer dans les tensions humaines les failles de chacun face au changement qu’il doit affronter. Chacun est renvoyé à son humanité et par là chacun pourra se retrouver. La démarche de la réalisatrice qui permet de préserver l’intégrité de chacun face à la caméra est digne d’éloges : ceci permet une fois de plus d’inscrire le cinéma dans le réel avec une belle osmose, sans que le réel doive se soumette à sa présence. La caméra comme celle qui la tient se fond complètement dans cette histoire. Et le spectateur est invité à suivre cette dramaturgie sans avoir à souffrir de voyeurisme : bien au contraire, il est placé dans la place du quatrième personnage capable de donner un avis extérieur à tout ce qui se trame et qui n’est pas visible d’abord pour les principaux protagonistes. On découvre aussi que l’enjeu de ce débat est une certaine qualité de vie à défendre, non seulement pour les agricultrices mais aussi pour les consommateurs de leurs produits. Comment l’intégrité, l’engagement pour une vie en dehors de la surexploitation de l’autre (de l’homme, de l’animal et de la terre, dans le travail comme dans la vie au quotidien) peuvent se transmettre d’une génération à une autre ? Ce sont là quelques-unes des questions que ce documentaire profondément humaniste soulèvent avec humilité et une histoire totalement inédite.

Illustration 2

Les Chèvres de ma mère, Sophie Audier

Documentaire

100 minutes. France, 2014.

Couleur

Langue originale : français

Scénario : Sophie Audier

Images : Sophie Audier

Montage : Cécile Dubois

Son : Sophie Audier

Production : Mille et Une Productions

Producteurs : Anne-Cécile Berthomeau, Édouard Mauriat

Distributeur français : Jour2Fête

Vente internationale : Doc@Film International

Contact :

Jour2Fête

Étienne Ollagnier & Sarah Chazelle

7, rue Ambroise Thomas - 75009 Paris

01 40 22 92 15

contact@jour2fete.com

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