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Cédric Lépine

Critique de cinéma, essais littéraires, littérature jeunesse, sujets de société et environnementaux

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Billet de blog 13 avril 2017

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À broyer les consciences : ils assurent avec bénéfices

Anouk, 14 ans, doit réaliser un stage dans le monde du travail pour sa classe de troisième. Alors que la proposition de son père a été annulée, sa mère lui propose de la suivre dans l’entreprise d’assurances Serenita pour laquelle elle travaille.

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Illustration 1
"Maman a tort" de Marc Fitoussi © DR

Sortie DVD : Maman a tort de Marc Fitoussi

Maman a tort de Marc Fitoussi pourrait être le second volet du dyptique consacré aux rapports conflictuels mère-fille avec Copacabana (2010) avec une inversion des personnages, d’un film à l’autre. Cette fois-ci, c’est la mère qui est l’esclave de son travail et c’est la fille qui va interroger les contradictions de celle-ci. L’humour, le scénario finement ciselé dans ses moindres détails, la palette de couleurs criardes sont toujours là, mais dans un tout autre ton. Le sujet de la découverte de la double identité cachée d’un proche parent dans le cadre de son travail a fait les beaux jours du cinéma réaliste, notamment avec l’incontournable Ressources humaines de Laurent Cantet (1999) ou encore, pour citer les grands références majeures en la matière, La Promesse (1995) des frères Dardenne. Dans les deux cas, il y avait une urgence de réveiller chez le spectateur sa conscience en tant qu’individu humain responsable qui aurait la tête enfouie, telle une autruche, dans les charges aliénantes de son travail, qui plus est en époque de crise économique et sociale. Dans ce « voyage au cœur du monstre de l’économie marchande contemporaine », Marc Fitoussi a choisi de traiter le monde des assurances, ce milieu qui s’enrichit du malheur des autres (c’est bien le constat sans retour du film), qui ne connaît pas la crise puisqu’il s’en nourrit. Ce milieu est donc bien choisi pour parler des relations familiales contemporaines, qui plus est autour d’un micromonde inhumain que constitue le monde de l’entreprise enfermé sur lui-même dans une tour typique et répétée à l’envi de par son fonctionnement dans le quartier à faire froid dans le dos par son inhumanité qu’est La Défense (cf. Violence des échanges en milieu tempéré de Jean-Marc Moutout, 2003). Mais contrairement à ses prédécesseurs, Marc Fitoussi s’est éloigné du réalisme, continuant ainsi sa propre personnalité de cinéma qui s’affirme à travers un scénario hyper développé qui ne laisse aucune place à l’improvisation, au réel. Le film n’est en rien un documentaire sur le monde du travail, car tous les personnages sont de pures fictions, qui conduisent le spectateur entre rires et larmes, pour démontrer l’absurdité cynique du monde décrit. Le réalisateur s’amuse beaucoup à jouer avec ses personnages, qui ont tous pour lui un grand intérêt, à commencer par ce personnage central de mère qui s’est construit au fil de ses années autour de nombreux renoncements et autres compromissions préjudiciables. Il ne s’agit pas pour le cinéaste de trouver les boucs émissaires du malaise social : chaque individu a ses propres raisons d’agir comme il agit. Il y a ainsi un humanisme chez Marc Fitoussi en filiation directe avec le cinéma de ce cher Jean Renoir. Le constat du film est sans appel : la jeunesse actuelle ne trouve plus ses repères dans le chemin tracé par la génération qui la précède et il ne reste plus qu’un cri de rage lancé dans une fête entre amis : jusqu’à quand ce cri d’alarme ne sera pas entendu ? À quand un nouveau mai 68 après les manifestations des « Nuit debout » ? Ce que le film jusque dans sa séquence finale laisse en germe.

Illustration 2

Maman a tort
de Marc Fitoussi
Avec : Jeanne Jestin (Anouk), Émilie Dequenne (Cyrielle Lequellec, la mère d'Anouk), Nelly Antignac (Bénédicte, une des employées de l'assurance), Camille Chamoux (Mathilde, une des employées de l'assurance), Annie Grégorio (Simone, la collègue de Cyrielle avec l'accent du sud), Sabrina Ouazani (Nadia Choukri, la mère de famille en contentieux avec l'assurance), Jean-François Cayrey (Étienne Blanchard, le chef de bureau de Cyrielle), Grégoire Ludig (le père d'Anouk), Stéphane Bissot (Perrine), Lætitia Spigarelli (Constance), Joshua Mazé (Émile, le stagiaire postier de l'assurance), Lucie Fagedet (Clarisse, une autre stagiaire de l'assurance)
France – Belgique – 2016.
Durée : 108 min
Sortie en salles (France) : 9 novembre 2016
Sortie France du DVD : 5 avril 2017
Format : 1,66 – Couleur
Langue : français - Sous-titres : français.
Éditeur : M6 Vidéo


Bonus :
Scènes coupées
Documentaire : L’Éducation anglaise de Marc Fitoussi

lien vers le site de l’éditeur

bande-annonce du film

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