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Billet de blog 13 mai 2016

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Cannes 2016 : « Rester vertical » d'Alain Guiraudie

Film présenté en compétition officielle du festival de Cannes. Sur les routes, entre le Larzac, le marais poitevin et Brest, Léo erre au volant de sa voiture. Il doit écrire le scénario de son prochain film, mais sa disponibilité tarde à venir. Il fait la rencontre d'une femme avec laquelle il a un enfant malgré son errance permanente.

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Illustration 1
© DR

Sur les routes, entre le Larzac, le marais poitevin et Brest, Léo erre au volant de sa voiture. Il doit écrire le scénario de son prochain film, mais sa disponibilité tarde à venir. Il fait la rencontre d'une femme avec laquelle il a un enfant malgré son errance permanente.

Alain Guiraudie a construit une œuvre fascinante avec un univers cinématographique qui n'appartient qu'à lui. Les amateurs du cinéaste se délecteront de retrouver le monde guiraudien où des personnages errent en quête d'eux-mêmes sur des plateaux du Causse quasi déserts, dans des milieux agricoles en déshérence où le verbe de chacun fleurit sans retenue, avec autant d'élégance dans les interrogations existentielles que de saisissement du monde dans sa trivialité. Le personnage principal ressemble étrangement à Guiraudie lui-même, autant par son physique que par son verbe, son métier d'acteur et ses interrogations sur la vie, etc. En cela, Rester vertical est aussi bien une parfaite synthèse de tous ses films précédents qu'une réflexion politique et poétique sur la paternité, la création, le désir pour les hommes isolés en pleine campagne de plus de 50 et 60 ans, etc. Le film est foisonnant d'idées et de réflexions sur l'état du monde contemporain. Si le sujet du réalisateur en panne d'inspiration pouvait évoquer 8 ½, Guiraudie questionne comme Fellini le désir dans l'acte de création, mais s'éloigne du maestro italien pour plonger dans l'univers agricole, saisissant les forces chtoniennes à l'œuvre dans un pays en pleine crise sociale. En effet, les personnages du film fantasment systématiquement l'un sur l'autre, désirant que celui-ci lui apporte le supplément d'âme qu'il pense avoir perdu : la bergère qui croit pouvoir réaliser son rêve de départ lorsqu'arrive son « prince charmant » qui lui au contraire imagine à ses côtés se fixer en faisant sa connaissance. Il en résulte de nombreux rendez-vous manqués faits d'incompréhensions, de malentendus malgré la sincérité avec laquelle chacun s'exprime. Le récit emprunte à la fois le genre du road-movie, du conte, du drame existentiel où l'humour et l'autodérision sont permanents. Et mine de rien, sous les apparences d'une grande légèreté, Guiraudie évoque ici l'homomonoparentalité, le suicide assisté, l'isolement du monde agricole, la préservation ou non de certaines espèces animales, et d'autres sujets encore plus ou moins explicites.

Guiraudie montre avec un humanisme toujours renouvelé qui n'a rien à envier à Rabelais et un épicurisme à toute épreuve, que « rester vertical », dans le monde actuel est aussi la base de la résistance où la verticalité est la meilleure manière pour l'homme de concéder le moins d'appui aux forces d'attraction qui veulent le mettre à terre. Un cinéma salvateur par sa force évocatrice cinématographique socialement inspirée !

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