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Billet de blog 13 juin 2014

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Visions sociales : un festival de Cannes sans frontières

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Entretien avec Anna Defendini, responsable de la programmation cinéma de la CCAS (Caisse Centrale d’Activités Sociales du personnel des Industries électrique et gazière). Durant le festival de Cannes, la CCAS organisait la 12e édition de son propre festival intitulé Visions sociales. Un focus cette année mettait à l’honneur le cinéma espagnol.

Illustration 1

Pouvez-vous me dire quelques mots pour présenter Visions sociales ?

Anna Defendini :Visions sociales est un événement initié par la CCAS qui représente les activités sociales de l’industrie électrique et gazière en France. Ce festival se tient au Château Mandelieu La Napoule à Cannes où sont projetés 25 films. Ce ne sont pas nécessairement des films inédits mais des films récents dont certains n’ont pas encore été projetés en France. L’objectif du festival est de réduire l’écart entre les œuvres et le public. Nous avons réussi notre pari car les salles sont pleines, le public restant d’un film à l’autre, passant d’un univers à un autre tout à fait distinct. Comme nous sommes un peu éloignés géographiquement du reste de la programmation cannoise, nous établissons des ponts entre les différentes sections. Nous projetons ainsi des films de la Semaine de la Critique, de la Quinzaine des Réalisateurs, de l’ACID et du festival de Cannes en soutenant à notre juste place la Cinéfondation où se trouvent les réalisateurs de demain. Nous accueillons à la fois des films de chaque sélection avec si possible la présence des réalisateurs car le but est aussi de créer une rencontre avec le public et les auteurs des œuvres. Nous réalisons également des rencontres métiers : cette année nous invitons le journaliste José María Riba, à l’occasion du focus sur le cinéma espagnol et Claude-Éric Poiroux, délégué général du festival Premiers Plans d’Angers et directeur général d’Europa Cinémas.

Quel est le public de Visions sociales ?

A. D. : Il y a beaucoup de personnes de la région, certes, mais ce sont des bénéficiaires de la France entière. Le centre accueille également des non bénéficiaires et s’ouvre à tous, puisqu’il n’y a pas besoin d’avoir de badge pour assister aux projections. Il y a également des liens entre Visions sociales et le festival de Cannes avec le film de Laurent Bécue-Renard que nous avions soutenu avec une aide au scénario (soutien financier) en 2007 et qui est programmé cette année sous le titre Of Men and War en Séances spéciales. Nous avions auparavant accueilli à Visions sociales ce réalisateur pour son film De guerres lasses. Nous tenons à ce soutien et le public l’apprécie également. Un cinéma sans spectateur ne doit plus exister : cela fait plaisir de constater la présence des bénéficiaires en grand nombre découvrir les films que nous programmons et qui n’auraient autrement peut-être pas eu l’idée ou l’opportunité d’aller les voir. La programmation est loin d’être consensuelle, ce qui n’empêche pas que les salles sont pleines et que les retours du public sont assez positifs. A Touch of Sin de Jia Zhangke est par exemple programmé même s’il n’est pas inédit en salles, car je tenais à faire découvrir cet auteur incontournable du cinéma. Ce film est présenté avec des premiers films de cinéastes beaucoup moins connus. C’est véritablement un voyage pour briser les différentes frontières intérieures que l’on peut avoir en soi.

En ce qui concerne la programmation, y a-t-il la volonté de mettre en avant les grands temps forts d’une année de cinéma mondial tout en brossant un panorama de l’état du monde ?

A. D. : C’est un peu compliqué d’expliquer comment se fait une programmation. Je pense que celle-ci ne peut pas ne pas être subjective car être programmateur c’est aussi avoir envie de partager des coups de cœur à l’égard de certains films. Ce sont malgré tout des « coups de cœur raisonnés » car il faut aussi bâtir une programmation. Le cinéma est un art : il faut donc que le film propose des formes nouvelles mais avant toute chose qu’il y ait des sujets, que la technique soit au service du sujet. J’aime faire découvrir au public des formes nouvelles et que nous puissions ainsi parcourir ensemble un chemin durant ce festival. Peu importe que l’on ait aimé ou non un film tant qu’il ne laisse pas indifférent. Dès lors peut commencer un débat et une réflexion à partir de ce qu’a pu provoquer en soi un film. Ce qui prime avant tout pour nous c’est la rencontre humaine. Car lorsqu’un public rencontre des réalisateurs forcément passionnés par ce qu’ils font, il est toujours touché. Même si le sujet, les lieux sont éloignés de la réalité quotidienne du public, la rencontre humaine crée de la sympathie. Je trouve que le public que l’on a est extrêmement chaleureux, se situant dans une atmosphère de découverte et de bienveillance.

Y a-t-il aussi la volonté de partager des conditions sociales dans le monde et faire évoluer chez le spectateur sa conscience en tant que citoyen du monde ?

A. D. : Oui, en effet et c’est d’ailleurs ce que nous nous sommes dits récemment à propos du film Les Enfants des nuages sur la condition du peuple sahraoui. Dans ce film on voit d’un côté les grands de ce monde et de l’autre un peuple oublié. Nous sommes tous individuellement des citoyens qui militent dans des syndicats, des milieux associatifs et à partir de là nous pouvons être des relais, d’autant plus que la réalité dont témoigne le film a un lien direct avec la France à travers la géopolitique. Il est essentiel en tant que citoyens du monde de voir et connaître ce qui se passe ailleurs. Ainsi, Mange tes morts de Jean-Charles Hue programmé à la Quinzaine des Réalisateurs cette année parle de personnes que l’on ne voit plus, que l’on ne comprend presque plus comme si l’on vivait dans un autre monde. Il est essentiel pour moi que chacun comprenne les différente réalités sociales qu’il côtoie.

Propos recueillis à Cannes en mai 2014.

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